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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
A. PRÉVENIR LA RADICALISATION
De l’endoctrinement au passage à l’acte terroriste, le fonctionnement
et l’expansion des réseaux djihadistes mettent en jeu des processus très
divers, auxquels la réponse apportée par les pouvoirs publics ne peut être
d’ordre uniquement sécuritaire. Il est en effet indispensable d’intervenir le
plus tôt possible en amont du départ ou du passage à l’acte, notamment
pour prévenir le basculement dans la radicalisation ou tenter de l’inverse r.
La mise en œuvre d’un tel effort de prévention est nécessairement
complexe et délicate. Elle se heurte, en premier lieu, à des problèmes de
définition : comment proposer une compréhension opérante du radicalisme
religieux à une administration de tradition laïque ? Elle doit ensuite passer
par des formes d’action impliquant une multiplicité d’acteurs proches du
terrain, qu’ils soient institutionnels (services sociaux, écoles, etc.) ou non
(entourage, ministres du culte musulman, associations). Même si certaines
actions doivent être menées en urgence, il s’agit enfin d’un mode d’action de
long terme, qui ne peut avoir de résultats spectaculaires dans l’immédiat
– d’autant que le phénomène djihadiste doit également être analysé d’un
point de vue sociétal.
De l’avis largement partagé des personnes entendues par votre
commission d’enquête ainsi que des responsables rencontrés au sein des
institutions européennes, la France aurait, par rapport à ses voisins
européens, un retard certain en matière de prévention de la radicalisation.
La création, le 29 avril dernier, du centre national d’assistance et de
prévention de la radicalisation (CNAPR), complété à l’échelon territorial par
les centres départementaux d’assistance et de prévention de la radicalisation
(CDAPR), a de ce point de vue constitué un tournant, prolongé depuis par
les nouvelles annonces gouvernementales. Votre commission d’enquête
estime que le développement de cette nouvelle logique fondée sur la
promotion de la prévention, du signalement précoce et de la dissuasion au
départ – et jusqu’alors mise en place de manière très empirique − doit être
poursuivi dans quatre directions principales : la détection de la radicalisation
avant toute chose (1), la déconstruction du discours et de la propagande
djihadistes (2), la réaffirmation de la laïcité (3), et enfin la prise en charge des
aspirants djihadistes comme des djihadistes de retour, notamment par la
mise en place de programmes de réinsertion (4).
1. Mieux repérer la radicalisation
Les difficultés de la détection des individus radicalisés ont été
récemment mises en lumière à travers les cas de Mohammed Merah et Mehdi
Nemmouche. Ces deux profils rappellent qu’il ne peut exister de système de
repérage sans faille : malgré l’implication des services de police et de
renseignement, le travail de détection des aspirants terroristes est par nature