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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
Pour reprendre les termes d’une personne entendue par votre
commission d’enquête, pour aller faire le djihad en Irak ou en Syrie, « nul
besoin d’un financement important, quelques milliers d’euros suffisent pour partir
(…) il n’y a pas de grands flux financiers » compte tenu du coût limité d’un
billet d’avion pour la Turquie et des frais minimes à engager par la suite
pour traverser la frontière. Une fois sur place, les candidats au djihad sont
pris en charge par les organisations terroristes qui leur fournissent logement
et salaire. Comme le confirment les investigations menées par les services
spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, les fonds à rassembler pour le
voyage et les premiers jours passés sur place proviennent quant à eux de
diverses petites sources, dont la détection est malaisée, parmi lesquelles les
économies personnelles ou la solidarité familiale, la souscription d’un crédit
à la consommation qui n’est pas remboursé, la location d’un véhicule non
rendu, ou des recettes provenant de la délinquance (vols à main armée et
trafic de stupéfiants). Il convient de noter également que les fonds provenant
des prestations sociales ont pu être utilisés par les combattants étrangers
dont le départ n’avait pas été détecté, ce qui a conduit le Gouvernement à
mettre en place une politique plus volontariste de contrôle de l’obligation de
résidence pour les bénéficiaires desdites prestations et les services de
renseignement à procéder à des signalements plus systématiques aux
organismes sociaux des cas identifiés de départs en Syrie ou en Irak.
Sur le plan répressif, même si le dispositif juridique français de lutte
contre le financement du terrorisme est pleinement conforme aux
recommandations du GAFI 1 sur le financement du terrorisme, les
professionnels du secteur financier, notamment les banques, ayant été alertés
et formés, le repérage de ces micro-flux est particulièrement délicat, nombre
de ces transactions s’effectuant au surplus en liquide. Dans les faits, peu de
signalements sont effectués auprès de la justice pour des motifs liés au
financement du terrorisme, et ceux qui le sont ne sont pas aisément
exploitables. L’essentiel de ces signalements concernent des associations
cultuelles ou caritative, parfois des commerces, mais n’aboutissent pas
nécessairement en raison de la difficulté de prouver la destination réelle des
fonds et sont donc traités sous la qualification d’abus de confiance et non de
financement du terrorisme.
c) Le dispositif français de contrôle du financement du terrorisme : une
action efficace effectuée avec des moyens limités
Votre rapporteur tient à souligner le travail de qualité effectué par
TRACFIN2 en matière de lutte contre le financement du terrorisme.
TRACFIN est une cellule de renseignement financier, comptant une centaine
d’agents3, créée en 1990 à la suite des accords instituant le Groupe d’action
Quatre recommandations dédiées au terrorisme dans les 40 recommandations du GAFI et neuf
recommandations spéciales.
2 Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins.
3 Composée pour les trois quarts d’analystes.
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