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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
sur la radicalisation, chargé notamment de dispenser des conseils et de
répondre aux questions des personnes confrontées à la radicalisation d’un
proche. L’existence plus précoce d’un tel « capteur » dans notre pays aurait
sans doute permis aux pouvoirs publics de réagir beaucoup plus rapidement
à l’accroissement des départs consécutif à la crise syrienne. Le présent
rapport apporte des éléments permettant d’expliquer le caractère
relativement tardif de l’implication des autorités françaises dans des actions
de prévention de la radicalisation. Il convient toutefois de souligner qu’en
tout état de cause, dans ce domaine en particulier, l’action du Gouvernement
et du législateur doit être complétée et prolongée par des initiatives des
collectivités locales, des associations et des différents acteurs de la société.
Mieux encore, certaines actions spécifiques comme le développement d’un
contre-discours ne peuvent se montrer efficaces que si, précisément, elles
sont assumées par la société civile et non seulement par le pouvoir exécutif.
À cet égard, la mobilisation observée au lendemain des attentats de janvier
laisse espérer que nombre de nos concitoyens seront prêts à s’engager pour
lutter au quotidien contre les processus de radicalisation.
Second constat : malgré ses qualités reconnues par l’ensemble de nos
partenaires, notre dispositif de renseignement, dont une partie a été
profondément réformée depuis 2008, doit s’adapter à la situation que nous
connaissons à la suite des drames que nous avons vécus. À cet égard, il
semble difficile de nier que les problèmes rencontrés par le renseignement
territorial, véritable parent pauvre de la réforme de 2008, se sont révélés
comme étant de réels handicaps dès lors que la menace ne résidait plus dans
quelques organisations terroristes dûment identifiées et surveillées mais
dans des milieux beaucoup plus larges et diffus. En effet, la qualité des
relations des services de renseignement intérieur avec l’ensemble des acteurs
de la vie sociale joue un rôle crucial dans ce domaine dès lors qu’il n’existe
plus une frontière nette entre un cas sans dangerosité immédiate relevant
d’un simple suivi et un phénomène de radicalisation violente nécessitant une
prise en charge immédiate.
Autre effet de ce caractère plus diffus et multiforme de la menace,
certains services compétents en matière de terrorisme, dont la coordination
reste perfectible, sont rapidement arrivés aux limites de leurs capacités
humaines et techniques. Le suivi permanent d’une personne considérée
comme dangereuse est en effet extrêmement coûteux en hommes et en
matériel. Encore faut-il au préalable déterminer ce qui caractérise la
dangerosité d’un individu, ce qui est devenu un défi redoutable comme le
montre le fait que nombre des personnes repérées depuis la mise en place
d’un dispositif spécifique par les pouvoirs publics étaient auparavant
inconnues des services. Cette difficulté d’évaluation de la dangerosité vaut
également pour les personnes revenues d’un théâtre d’opération djihadiste et
dont le discours de repentance souvent stéréotypé peut aussi bien traduire
un réel désengagement de la lutte que dissimuler une volonté inentamée de
continuer à s’impliquer dans les agissements de groupes terroristes.