(CEDH, S. et Marper c. Royaume-Uni, 4 décembre 2008, no 30562/04 et 30566/04,
§67.)
La Cour de justice de l’Union européenne a elle aussi eu l’occasion de condamner
les mesures de surveillance indiscriminées au regard du droit au respect de la vie privée.
Dans sa décision du 8 avril 2014 invalidant la directive 2006/24/CE sur la conservation
des données de connexion, elle souligne à propos de cette directive que :
« Elle s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il n’existe aucun indice
de nature à laisser croire que leur comportement puisse avoir un lien, même
indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre, elle ne prévoit aucune
exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes dont les communications
sont soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel. »
(CJUE, 8 avril 2014 Digital Rights Ireland, C-293/12, §58.)
En l’espèce,
Les boîtes noires algorithmiques traitent de façon indifférenciée toutes les données
traitées par les réseaux ou infrastructures sur lesquels elles sont installées, qui sont nécessairement pour une large part des données à caractère personnel.
Ainsi — même si les moyens techniques modernes permettent de surveiller de manière
automatique et en temps réel les comportements des individus sur les réseaux numériques
plutôt que de collecter systématiquement et de conserver pour longtemps leurs données —
, les outils de « scanning » prévus à l’article L. 851-4 aboutissent nécessairement à une
ingérence dans la vie privée et dans la liberté de communication, et ce quand bien même
l’immense majorité de ces données ne donnerait lieu à aucune utilisation ultérieure.
En conclusion,
Au regard de la jurisprudence des trois juridictions citées, le traitement réalisé par les
boîtes noires algorithmiques porte une atteinte indiscriminée au droit au respect de la vie
privée de personnes pour lesquelles il n’existe aucun lien direct ou même lointain avec une
infraction. Leur mise en œuvre ne peut se faire « de manière adéquate et proportionnée »,
tel qu’exigé par le Conseil constitutionnel au regard de l’article 34 de la Constitution, ce
qui justifie la censure de cette disposition.
7.1.3. Une technique inefficace et dès lors disproportionnée
En droit,
Le Conseil constitutionnel a jugé à propos des mesures d’investigation spéciales en
vue de la répression des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières
que les restrictions qu’elles apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis
doivent être non seulement « nécessaires à la manifestation de la vérité » mais surtout,
proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent
pas de discriminations injustifiées 4
De même, la CEDH considère que :
4. 2010-25 QPC, 16 septembre 2010, cons. 11 et 12, Journal officiel du 16 septembre 2010, page 16847,
texte no 64, Rec. p. 220
57