une raison ou une autre, la CNCTR choisirait de ne pas saisir le Conseil d’État, ou qu’elle
attendrait trop longtemps avant d’estimer que le Premier ministre échoue à donner suite
à ses recommandations et qu’une saisine juridictionnelle s’impose.
Par ailleurs, la saisine du Conseil d’État peut prendre la forme des référés (article 3114-1 alinéa 2 du code de justice administrative), mais rien ne l’impose. Le risque existe
donc que, même lorsqu’un contrôle juridictionnel est sollicité par la CNCTR et à défaut de
mesures suspensives, celui-ci intervienne plusieurs semaines voire plusieurs mois après
que les mesures ont commencé à porter atteinte aux droits et libertés, voire après que la
CNCTR a constaté des faits susceptibles de constituer une situation d’illégalité.
En conclusion,
L’article L. 833-3 alinéa 2 et l’article L. 833-3-4 doivent être interprétés comme signifiant que, lorsque le Premier ministre informe « sans délai » la CNCTR qu’il n’a pas
donné suite à ses recommandations en vertu de l’article L. 833-3-3-I ou que la Commission estime ces suites insuffisantes, cette dernière doit saisir sans délai le Conseil d’État
afin que ce dernier statue en la forme des référés.
L’article L. 855-3-I doit être interprété comme signifiant qu’en cas de signalement de
faits susceptibles de constituer une illégalité par des lanceurs d’alerte, la CNCTR doit
saisir sans délai le Conseil d’État afin que ce dernier statue en la forme des référés.
Sous ces réserves seulement, les dispositions en cause ne sont pas contraires à la
Constitution.
11.3. Le recours contentieux ne respecte pas les droits
de la défense
La présente loi définit les conditions dans lesquelles un contrôle juridictionnel a posteriori des mesures de surveillance peut être opéré par le Conseil d’État. Avec les articles
L. 773-1 CJA et suivants, le secret-défense entre pour la première fois dans le système
juridictionnel français 8 .
En omettant d’assortir l’introduction du secret-défense dans le contentieux français
des garanties nécessaires au maintien d’un équilibre, ne serait-ce que relatif entre les
parties, cette procédure s’inscrit en violation des articles 6 et 16 de la Déclaration de
1789.
11.3.1. Une rupture absolue de l’égalité des armes
En droit,
8. « La notion de “preuve secrète” n’existe pas en droit français car un document ou une information
confidentiels ne peuvent pas être communiqués aux juges. Dès lors ils ne peuvent être utilisés comme
preuve ». Didier Bigo et al., National Security and Secret Evidence in Legislation and Before the Courts :
Exploring the Challenges. Étude pour la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du
Parlement européen, Bruxelles. Disponible à l’adresse : http://www.europarl.europa.eu/RegData/
etudes/STUD/2014/509991/IPOL_STU%282014%29509991_EN.pdf, p. 29 et p. 96 (traduction libre de :
The notion of “secret evidence” does not exist in French law, because a confidential document or information may not be communicated to the judges. Therefore, it cannot be used as evidence.)
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