LA VIE DE LA CNIL
La CNIL conseille
La recommandation sur l’« anonymisation des décisions de justice »
L’adoption, en 2001, d’une recommandation relative à
la diffusion de données personnelles sur Internet par les
banques de données de jurisprudence répondait au souci
de concilier cette diffusion avec la protection des personnes
physiques qui y sont citées. Il s’agit, principalement de
prévenir les risques de détournement de finalité de ces
bases qui pouvaient, par l’utilisation des moteurs de
recherche, se transformer en véritables fichiers de renseignements sur ces personnes. La CNIL a ainsi préconisé que
les éditeurs de bases de données de décisions de justice
librement accessibles sur des sites Internet s’abstiennent d’y
faire figurer le nom et l’adresse des parties ou des témoins
au procès, quels que soient l’ordre et le degré de la
juridiction et la nature du contentieux.
La modification de la loi informatique et libertés par la loi du
6 août 2004 a conduit la Commission à dresser un bilan
de l’application de sa recommandation, notamment grâce
à l’audition et à la consultation des cours suprêmes (Conseil
d’État, Cour de cassation, Cour des comptes), du Secrétariat
général du Gouvernement, des associations d’utilisateurs de
bases de données de jurisprudence et des éditeurs privés.
La Commission a ainsi estimé que les principes dégagés
en 2001 étaient, pour l’essentiel, appliqués par les
différents acteurs et, qu’au total, sa recommandation avait
permis d’encadrer de manière équilibrée la diffusion des
décisions de justice sur Internet et le respect de la vie
privée des personnes citées dans ces décisions.
La Commission a néanmoins relevé les évolutions
législatives relatives à la protection des données à
caractère personnel dans le cadre des bases de données
jurisprudentielles.
Ainsi, l’analyse des nouvelles dispositions de la loi
informatique et libertés de même que le nouveau
régime applicable à la diffusion des données publiques
ont conduit la Commission a attiré l’attention du
Gouvernement sur l’intérêt qui s’attacherait, au regard des
droits et libertés des personnes, à l’adoption d’une mesure
législative spécifique prévoyant l’anonymisation des bases
de données jurisprudentielles lors de leur diffusion par
des moyens électroniques (voir en conclusion de
ce rapport les propositions de la CNIL aux
pouvoirs publics).
Cette solution serait de nature à inscrire la pratique
française dans le mouvement européen en faveur d’une
protection accrue des personnes.
L’ensemble des travaux menés par la CNIL sur cette
question est synthétisé dans un document public accessible
depuis son site Internet.
Questions à …
Quelles sont ces évolutions dont vous parlez ?
EMMANUEL DE GIVRY
Conseiller à la Cour de cassation
Commissaire en charge du secteur
« Gestion des risques et des droits »
Pourquoi avoir voulu dresser un bilan de la recommandation
de la CNIL du 29 novembre 2001 ?
D’une manière générale, il me semble nécessaire que la CNIL
dresse, après un certain temps, un bilan de l’application de
ses recommandations. Cette démarche était particulièrement
opportune sur le sujet délicat de l’anonymisation des décisions
de justice au regard de l’évolution des contextes juridique et
technique. En effet, d’une part, le sujet est particulièrement
sensible en ce qu’il procède de données relatives parfois à des
infractions ou condamnations et, d’autre part, le cadre général
a considérablement évolué depuis 2001.
Trois évolutions me paraissent notables. La première, c’est
naturellement la modification de la loi du 6 janvier 1978 par la
loi du 6 août 2004 qui a renforcé les droits des personnes. La
deuxième résulte de l’ordonnance du 6 juin 2005 modifiant la
loi du 17 juillet 1978 qui, sans être directement applicable aux
décisions de justice, pose un principe général d’anonymisation
des documents publics. Enfin, la dernière évolution est de
nature technologique, les performances des moteurs de
recherche au sein des bases de données, notamment celles
diffusées sur Internet ayant été considérablement accrues.
Pourquoi avoir préconisé l’adoption d’une disposition législative
sur la question de l’anonymisation des décisions de justice?
La Commission a considéré que l’adoption, dans la loi du
17 juillet 1978, d’une règle générale d’anonymisation pour
la réutilisation d’informations publiques devrait conduire
à appliquer ce même principe aux décisions de justice
contenues dans des bases de données informatiques. Aussi,
en application de l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978
modifiée, a-t-elle attiré l’attention du Gouvernement sur l’intérêt
qu’il y aurait à consacrer ce principe par une disposition
législative spécifique.
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