ALERTE À LA SOCIÉTÉ DE SURVEILLANCE
La recommandation rappelle qu’un traitement automatisé
de données à caractère personnel doit répondre à
l’exigence d’une finalité légitime. Ainsi, seuls un impératif
de sûreté ou de sécurité de l’employé lui-même ou des
marchandises ou véhicules dont il a la charge, une
meilleure allocation des moyens pour des prestations à
accomplir en des lieux dispersés, le suivi et la facturation
d’une prestation ou encore le suivi du temps de travail,
lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens,
peuvent justifier la mise en œuvre de tels dispositifs.
A contrario, la recommandation indique que la géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu’un employé dispose
d’une liberté dans l’organisation de ses
déplacements. De même, elle ne doit
pas conduire à un contrôle permanent
de l’employé concerné. Ainsi, la collecte
des données relatives à la localisation
d’un employé en dehors des horaires
de travail devrait être proscrite. Dans
cet esprit, la possibilité de désactiver le
dispositif de géolocalisation à l’issue du
temps de travail doit être offerte lorsque
ces véhicules peuvent être utilisés à des
fins privées.
Questions à …
DIDIER GASSE
Conseiller maître à la Cour des comptes
Commissaire en charge du secteur
« Télécommunications et Réseaux »
comprend que les chauffeurs routiers ou les transporteurs de
fonds se trouvent au regard de la liberté d’organisation de leur
travail dans une situation radicalement différente de celle d’un
« commercial ». C’est cette différence que la recommandation
prend en compte en répertoriant les finalités acceptables.
L’enjeu était donc d’essayer de clarifier la situation tout en
permettant aux entreprises et administrations concernées de
pouvoir se référer à une norme simplifiée pour mettre en œuvre
Comment la CNIL a-t-elle procédé pour dégager les grands
axes de cette recommandation ?
les traitements de géolocalisation.
De plus en plus, un processus de consultation approfondi s’avère
nécessaire sur des sujets complexes afin que les intérêts et sensi-
Parce qu’actuellement, c’est le cas le plus fréquent et
que vouloir intégrer dans un même texte tous les cas de
géolocalisation risquait de le rendre illisible. Remarquons que
tous les traitements de géolocalisation touchant directement ou
bilités légitimes de chacun des acteurs soient pris en compte.
Nous avons procédé en plusieurs temps en élargissant peu à
peu la consultation à un grand nombre d’acteurs publics et
privés : les ministères intéressés, les fournisseurs de matériels
et de services, les utilisateurs, les syndicats et même une
fédération d’usagers de la route.
Ces consultations ont évidemment fait évoluer notre position
initiale sur un certain nombre de points : à titre d’exemple, la
finalité de suivi du temps de travail peut apparaître comme
trop intrusive dans une première analyse, alors qu’elle peut
être conçue en réalité dans l’intérêt commun de l’employeur et
du salarié. En fait, le sujet ne se limite pas à la géolocalisation
mais à celui de la collecte et du traitement de toutes les
données susceptibles d’être associées à la géolocalisation.
Quel était pour vous l’enjeu ?
Face au développement accéléré de la géolocalisation, l’enjeu
était de prendre en compte dans le domaine des relations de
travail les impacts de la géolocalisation sur les libertés. Nous
avions ressenti une attente à ce sujet, compte tenu du caractère
intrusif de la géolocalisation. Au demeurant, la difficulté était
de répondre à deux types de situations : celle où l’utilisation
du véhicule constitue l’objet même du travail de l’employé ;
celle où l’utilisation du véhicule n’en est que l’accessoire. On
Pourquoi s’être limité à la géolocalisation des véhicules ?
indirectement des personnes sont soumis à la loi informatique
et libertés. Si la géolocalisation des employés en dehors de leur
véhicule – ou plus exactement celle d’objets dont ils ont l’usage,
tel qu’un téléphone mobile – devait se développer, l’élaboration
d’une recommandation spécifique serait sans doute utile.
Y aura-t-il des suites à cette recommandation ?
Les services de géolocalisation ne peuvent que se développer,
associés à des techniques de plus en plus performantes pour
collecter d’autres renseignements, par exemple sur la façon de
conduire un véhicule.
Après avoir communiqué sur ce sujet, la CNIL réalisera
une série de contrôles sur les dispositifs mis en œuvre. Elle
a reçu également quelques plaintes actuellement en cours de
traitement. L’intérêt d’effectuer des contrôles sur un tel sujet
n’est pas tant de rechercher des entreprises en infraction que
de mieux appréhender la mise en œuvre sur le terrain de ces
dispositifs et, le cas échéant, de contribuer au redressement de
situations irrégulières.
La géolocalisation est un cas typique où la CNIL doit s’efforcer
non pas de faire obstacle au développement de nouvelles
technologies, mais de l’accompagner pour nous préserver de
dérives en termes de protection des libertés et de la vie privée.
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