Les interventions de la CNIL

mésusages. Mais cela est déjà vrai dans le monde non virtuel de l’accès aux décisions de justice.
En revanche, dès lors que le site est en accès libre, il y a un changement
d’échelle et de nature : la décision de justice nominative indexable par tout moteur
de recherche pourra être portée à la connaissance de tiers qui n’en avaient nullement
sollicité la production. Elle sera forcément prise dans le « filet » de l’indexation automatique, alors même que le moteur de recherche avait été lancé au hasard, sous souci de rechercher l’éventuelle trace d’un jugement ancien.
Enfin, contrairement à ce que certains contradicteurs ont tenté de soutenir, la
CNIL n’a en rien exonéré les éditeurs qui mettraient en ligne des bases de données de
jurisprudence sur des sites Internet à accès restreint des obligations que la loi du
6 janvier 1978 leur impose. Ainsi, la CNIL a appelé leur attention sur les conséquences de l’application de la loi « informatique et libertés » lorsque leurs « produits »
comportent le nom des parties : interdiction de mentionner les infractions et condamnations pénales, interdiction de faire apparaître, directement ou indirectement, les
origines, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, les appartenances
syndicales ou les mœurs des personnes (demandeur, défendeur, prévenu, accusé,
témoin), reconnaissance du droit de s’opposer, pour des raisons légitimes, à voir
figurer son nom dans une décision de justice diffusée sur support numérique, droit de
rectification en cas d’information inexacte (ainsi, si la décision a été réformée en
appel ou cassée).
Il résulte incontestablement d’un tel « corpus juridique » qu’une occultation
du nom des parties sans être, dans cette hypothèse, explicitement préconisée par la
CNIL, paraît seule de nature à éviter l’engagement d’actions en responsabilité contre
les éditeurs.
En définitive, cette recommandation de la CNIL esquisse une orientation
générale de nature à faire évoluer les esprits et, sans doute, certaines pratiques, dans
le souci de la protection des données, conçue non pas comme un devoir théorique,
mais avec les implications les plus concrètes dans la vie quotidienne : chacun devrait
désormais être attentif à la mémoire ouverte que constitue Internet. Serait-il légitime
que le nom d’une personne, initialement mise en cause pour un crime ou un délit, finalement reconnue en état de légitime défense et innocentée par ses juges, soit diffusé
sur Internet et accessible à tous ? Peut-on être assuré qu’une décision de justice
rendue accessible par Internet et comportant le nom des parties en litige dans un
simple conflit de voisinage, tranché par le juge d’instance, ne serait pas susceptible
de porter préjudice au défendeur ou même au demandeur ?
Il convient de souligner que le secrétariat général du Gouvernement a fait
savoir à la Commission qu’il appliquerait, à l’occasion de la prochaine mise en ligne
gratuite, dans le cadre du service public de l’accès au droit sur le site Internet Légifrance des décisions des cours et tribunaux, les recommandations de la CNIL en faisant procéder à l’anonymisation des décisions de justice qui étaient jusqu’alors
diffusées de façon payante sur le site Jurifrance. Un délai de deux ans sera nécessaire. Cette résolution améliorera le sort des personnes physiques concernées.

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CNIL 22 rapport d'activité 2001

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