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Il ressort de tout ce qui précède, ainsi que des informations
recueillies auprès de ceux qui ont bien voulu nous apporter leur
concours et auxquels nous tenons à renouveler notre gratitude, que
les écoutes téléphoniques fonctionnent illégalement dans la majorité
des cas.
En outre, le refus systématique du Gouvernement de venir
devant la Commission en invoquant, sans le justifier, le secret de
la Défense nationale ne peut être interprété que comme la reconnaissance d'un état de fait dont nous avons démontré l'illégalité.
Il ressort également des diverses informations recueillies par
la commission, que les écoutes dites « sauvages », pratiquées par
des personnes appointées ou non sur le budget de l'Etat, permettent
des activités attentatoires — comme toutes les écoutes — à la dignité
de la vie privée et, en outre, génératrices de manœuvres et de
profits hautement condamnables.
Il est apparu à l'évidence à la Commission de contrôle, au cours
des douze réunions qu'elle a tenues, non seulement que les inquiétudes manifestées par certaines personnalités étaient justifiées, mais
encore que, faute d'une législation appropriée, les écoutes qui
peuvent être nécessaires pour garantir la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat ne disposent pas du support juridique indispensable.
C'est la raison pour laquelle la Commission croit devoir, pour première conclusion de ses travaux, soumettre au Sénat la proposition
de loi contenue dans ce rapport.
Il apparaît enfin que l'argument du secret de la Défense nationale, auquel nous sommes tous sensibles et attachés, ne peut
servir, sans constituer un véritable abus de pouvoir, de prétexte
pour paralyser le fonctionnement d'une Commission de contrôle qui
n'a jamais cherché à enfeindre ou violer ce secret. La commission
a seulement voulu connaître, ainsi que l'article 6 de l'ordonnance
du 17 novembre 1958 lui en fait obligation, les mécanismes et le
financement des écoutes téléphoniques efectuées sur l'ordre et
sous le contrôle du pouvoir exécutif.
Celui-ci ne peut, sans méconnaître les bases fondamentales de
tout Etat démocratique garantissant la liberté des citoyens, s'arroger
le privilège de violer sans contrôle les limites de la vie privée.