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une influence sur certains secteurs de l'opinion publique (leaders
syndicaux, journalistes, hauts fonctionnaires, dirigeants de grandes
sociétés...) ?
Plus dangereuse et répréhensible encore que l'écoute est l'utilisation de celle-ci, la « manipulation » qu'on lui fait subir, la « ventilation » qui en est faite et qui peut, ensuite, être utilisée comme un
moyen de chantage ! On a fait appel devant nous à la légalité des
écoutes (osons dire plutôt à leur caractère normal !) lors de
« affaire dite des généraux » (guerre d'Indochine et diffusion du
rapport Revers), de la lutte anti-O. A. S. ou des événements de
mai 1968...
On peut estimer tolérable, à certaines périodes troublées de
l'histoire d'un pays, que des personnes susceptibles de porter atteinte
à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat aient été « écoutées » ;
ce qui ne l'est plus — encore une fois — c'est le moyen de chantage
— ou de pression — qu'on peut ensuite exercer sur ces mêmes personnes ou sur d'autres parce qu'on a été le témoin privilégié d'un
instant de leur vie privée ou de leur activité professionnelle.
Une fois les événements passés, le danger écarté, qui aura
encore accès à ces renseignements et qui les conservera ? Quand
et comment seront-ils détruits, et sur l'ordre de qui ?
Ceci nous amène tout naturellement d'ailleurs à souligner de
façon particulière les conditions difficiles dans lesquelles nous avons
eu à exercer notre mission de contrôle. On peut dire que rien ne nous
aura été épargné : lettres officielles auxquelles il n'a pas toujours
été répondu (1), refus de nous laisser accéder au Groupement interministériel de contrôle (G. I. C.) ou de nous communiquer des renseignements administratifs concernant les écoutes, refus de venir
déposer devant la commission et interdiction faite à certains fonctionnaires ou magistrats de s'y rendre...
Et c'est précisément, en dehors même des affirmations qui nous
ont été exprimées, par des personnalités de bonne foi et de valeur
morale incontestable, de l'existence des e écoutes sauvages », le
fondement de notre croyance en la nocivité de celles-ci : pourquoi,
si le Gouvernement n'avait rien à nous cacher, ne nous a-t-il pas
largement ouvert les portes et communiqué les dossiers? La carence
dont il a fait preuve à notre égard est une preuve de l'illégalité des
écoutes téléphoniques qu'il fait pratiquer sous son autorité, sinon
toujours sous son contrôle.
(1) Nous en publions le texte en annexe I, page 73 et suivantes, en notant les absences
de réponses ou pour montrer le caractère inconsistant de certaines d'entre elles

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