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APPRÉCIATION DU SECRET DE DÉFENSE PAR LES TRIBUNAUX
Il paraît enfin intéressant, pour caractériser de manière plus
précise le secret de défense, d'évoquer rapidement l'attitude des
tribunaux en ce qui le concerne.
L'usage en la matière s'est établi de demander leur avis aux
autorités, militaires ou autres, qualifiées pour apprécier les
exigences de la Défense nationale.
Cependant, la Cour de cassation. pour éviter que les juges
soient liés par l'avis administratif, a toujours considéré cet avis
comme un témoignage et a voulu garder aux tribunaux une souveraine liberté de décision sur le caractère secret du renseignement ou du document. Mieux encore, elle a admis que les juridictions n'étaient pas tenues de développer les motifs les ayant
amenées à considérer que tels documents ou renseignements
doivent ètre considérés comme secrets. Lors de l'affaire dite « des
fuites », en 1956, la Chambre criminelle de la Cour de cassation
a admis également que des témoins, se retranchant derrière l'ordre
donné par le ministre de l'Intérieur, pouvaient ne pas déposer sur
certains faits devant le tribunal des forces armées et « qu'il appartenait au tribunal d'apprécier si les faits sur lesquels étaient appelés
à déposer les témoins présentaient un caractère confidentiel et
secret qui les dispensait, en raison de leurs fonctions, de les révéler
à la justice ».
En conclusion, il apparaît que la notion de « secret de la
Défense » reste beaucoup plus subjective et circonstancielle
qu'objective et constante et que l'appréciation du secret se fait cas
par cas, en en fonction de critères très larges. Beaucoup plus que
d'une notion rigoureusement définie, le , secret de défense
semble procéder de l'application d'une morale politique contrainte
de se plier à la réalité fluide des faits.
En fait et en droit, rien ne permet, sans justification circonstancielle, d'invoquer le secret de la Défense nationale à l'égard de tous
les contrôles entrepris par une commission parlementaire légalement constituée.