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La preuve la plus ancienne de l'existence d'un « Cabinet noir »
institutionnalisé remonte à 1633 — soit une quarantaine d'années
après l'ouverture de la poste royale au public (1).
Cependant, tous les régimes qui se sont succédé depuis cette
époque ont toujours vertueusement désavoué le viol de la correspondance privée qu'une Déclaration royale de 1742 assimilait au
détournement des deniers publics et rendait justiciable de la peine
de mort. Jamais le détournement des lettres n'a été officiellement
autorisé, ni admis, sauf lorsque la sûreté intérieure ou extérieure
de l'Etat pouvait le justifier. Ce fut le cas des décrets de la Convention relatifs à la « surveillance » de la correspondance des assignés,
ou du Code des délits ou des peines de l'an IV, qui réserve à l'Etat le
droit de « surveiller » les lettres destinées à l'étranger, ou provenant de l'étranger.
Par conséquent, le « Cabinet noir » a toujours été un rouage
administratif occulte, dépendant de la Surintendance des Affaires
étrangères : Louvois, Torcy, le cardinal Dubois cumulèrent, en effet,
au xvue siècle, les fonctions de Secrétaire d'Etat à la Guerre ou
aux Affaires étrangères avec la tutelle des Postes. De même, les
« bureaux de revision » de l'Empire fonctionnaient sur les fonds
secrets — déjà ! — du Ministère des Affaires étrangères.
D'ailleurs, le caractère officieux et la clandestinité — toute
relative — des agissements du « Cabinet noir » lui étaient, en
quelque sorte, imposés. D'abord, parce que l'espionnage n'est pas,
par nature, une activité officielle, mais aussi parce que le viol des
correspondances a toujours été sévèrement condamné par la loi,
la jurisprudence... et les autorités officielles. Un arrêt du Conseil
du Roi ne craignait pas de proclamer, en 1775, que 6 tous les
principes mettent la correspondance secrète des citoyens au rang
des choses sacrées dont les tribunaux comme les particuliers
doivent détourner les regards » (2). Et de fait, depuis le xvii siècle,
les détournements de courrier dont se rendaient coupables des
personnes qui n'appartenaient pas au Cabinet noir ), ont été
durement sanctionnés.
I ('f. l'ouvrage d'Ettgine
(2) Culé Par cet auteur
,
I.e Cab:net to:r
I'. I... F.. 1950.