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PREMIERE PARTIE

RAPPEL HISTORIQUE DE L'ESPIONNAGE POLITIQUE
J'aimerais mieux dîner avec le bourreau qu'avec le Directeur
général des Postes. » QUES141AY.

I. — Du « Cabinet noir » à la V' République.

Le Gouvernement a maintes fois rappelé que la V' République
n'avait pas innové en recourant à la pratique des écoutes téléphoniques. C'est se fonder, une fois de plus, sur le postulat selon lequel
les abus passés sont une excuse suffisante aux abus présents et
sans doute serait-il vain de souligner la minceur de l'argument.
Au moins peut-on regretter que la République n'hésite pas à utiliser des infrastructures héritées de la Gestapo et se demander
s'il ne serait pas, à tout prendre, préférable d'invoquer la tradition
du « Cabinet noir » et de ce que Beaumarchais appelait « le ramollissement des cachets », pratique aussi ancienne que la poste
publique...
Si l'on excepte, en effet, les scrupules éphémères de l'Assemblée Constituante et de la Seconde République, tous les régimes
ont eu recours au viol des correspondances privées, jusqu'à ce que
l'accroissement du volume du courrier postal et l'anonymat des
envois, consécutif à l'emploi des timbres-poste, aient rendu
matériellement impossible cette forme d'inquisition.
En tous cas, l'évolution des techniques d'espionnage de la vie
privée ne masque pas les analogies que l'on peut relever entre le
système des écoutes téléphoniques et les avatars successifs du
Cabinet noir », et l'on est amené à constater que, dans les deux cas,
ces atteintes incontrôlées au droit des gens créent une distorsion
intolérable entre le droit et le fait, conduisent toujours à des abus,
et sont de surcroît plus nuisibles qu'utiles.

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