Une modification minimale de la loi de 1998 pourrait consister
à autoriser la CCSDN, à motiver ses avis, de façon prudente. Le
Journal officiel ne publierait plus seulement le sens de l’avis,
mais aussi les considérants qu’il apparaîtrait utile à la Commission, au cas par cas, de porter à la connaissance du public. Ces
considérants se référeraient, sans donner de détails, à l’un ou à
plusieurs des critères d’appréciation fournis par l’article 4 de la
loi, et auxquels la Commission doit se référer pour fonder son
avis. La décision appartiendrait toujours au ministre, libre de
ne pas suivre l’avis ou d’en fournir un éclairage différent de
celui de la Commission.
Prendre acte du fait qu’en six ans et plus de cinquante affaires,
jamais un ministre n’a pris de décision différente de l’avis de la
CCSDN, pourrait même déboucher sur un changement plus
important, en lui attribuant un pouvoir décisionnel. La Commission deviendrait alors une véritable juridiction. On peut penser
que sa légitimité dans les mondes médiatique et judiciaire en
serait renforcée, d’autant plus que le système français rejoindrait
alors les systèmes allemand, britannique et américain.
Cependant, une telle mutation ne devrait pas conduire à
modifier le mode de nomination des membres de la commission qui, à tout prendre, garantit mieux que tout autre leur
indépendance. De même, la composition de la commission
devrait absolument rester inchangée. De bonnes raisons existent pour que la matière du secret soit confiée à un organe
« multiculturel », non exclusivement composé de membres des
juridictions judiciaires et administratives. Et l’élément politique,
inhérent à toute appréciation portant sur le secret-défense,
conduit à souhaiter la présence de deux parlementaires, pourvu
que l’un d’entre eux soit membre de l’opposition.
Reste que, même à mode de nomination et à composition
inchangée, la transformation de la CCSDN en juridiction se
heurte à une objection de principe. La décision de déclassifier,
tout comme celle de classifier, est une responsabilité du
pouvoir exécutif. Dans un système démocratique où les ministres exercent leurs fonctions sous le contrôle d’un parlement,
170