d) Les conséquences tirées en France des arrêts de la CJUE,
une fois leur portée précisée par le Conseil d’État
Le 21 avril 2021, l’Assemblée du contentieux32 du Conseil d’État s’est
prononcée, dans une décision intitulée « French data network et autres »33
sur les conséquences à tirer de l’arrêt rendu par la CJUE le 6 octobre 2020.
La plupart des cours suprêmes des États membres ont développé des
mécanismes de contrôle, souvent qualifiés de « contre-limites » destinés
à circonscrire la portée du principe de primauté du droit de l’Union afin
de garantir le respect des dispositions du droit national ayant permis
l’adhésion à l’Union ou de sauvegarder les valeurs fondamentales de
leur ordre juridique national. En résumé, ces mécanismes peuvent être
regroupés en deux types de contrôle : d’une part, le contrôle ultra vires,
qui permet au juge national de faire obstacle à l’application d’une norme
du droit de l’Union qui outrepasserait les compétences attribuées à l’Union
européenne et, d’autre part, le contrôle de « l’identité constitutionnelle »,
qui conduit le juge national à écarter une norme européenne qui porterait
atteinte aux exigences constitutionnelles de son ordre juridique interne.
Alors que le Gouvernement français l’y invitait à titre principal, l’Assemblée
du contentieux du Conseil d’État a refusé de s’engager dans un contrôle
ultra vires. Elle a, en revanche, appliqué un contrôle proche de celui de
l’identité constitutionnelle consistant à s’assurer que la mise à l’écart du
droit national au motif de sa contrariété au droit de l’Union n’aurait pas
pour effet de priver de garanties effectives une exigence constitutionnelle.
Les exigences constitutionnelles invoquées par le Gouvernement français
pour justifier la conservation des données de connexion étaient, en
l’espèce, les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde des
intérêts fondamentaux de la Nation, de prévention des atteintes à l’ordre
public et de recherche des auteurs d’infractions pénales et de lutte contre
le terrorisme34.
32 - Il s’agit de la formation de jugement la plus solennelle du Conseil d’État qui statue sur les affaires dont l’importance
exceptionnelle (appréciée au regard de la portée juridique de la décision à rendre) justifie cette formation du plus haut
niveau. Elle comprend 17 membres.
33 - Il s’agit de la décision rendue sur les requêtes nos 393099, 39492, 397844, 397851, 424717 et 424718. Cette
décision est publiée en annexe n°4 au présent rapport.
34 - Exigences que l’on peut résumer par la formule « exigences constitutionnelles de sécurité ».

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