Études et documents
– Principes pertinents
60. Conformément à la jurisprudence de la Cour, les mots « prévue
par la loi » veulent d’abord que la mesure contestée ait une base en droit
interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi en cause : ils exigent
l’accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui doit de surcroît
pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la
prééminence du droit (voir, entre autres, Kruslin c/ France, 24 avril 1990,
§ 27, série A n° 176-A, Lambert, décision précitée, § 23, et Perry, arrêt
précité, § 45).
61. Quant à l’exigence de « prévisibilité » de la loi dans ce domaine,
la Cour rappelle que dans le contexte de mesures de surveillance secrète
la loi doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite
la puissance publique à recourir à de telles mesures (voir, entre autres,
Malone c/ Royaume-Uni, 2 août 1984, § 67, série A n° 82, Valenzuela Contreras c/ Espagne, 30 juillet 1998, § 46 iii), Recueil 1998-V, et Bykov c/ Russie
[GC], n° 4378/02, § 76, CEDH 2009 –…). Eu égard au risque d’abus inhérent à tout système de surveillance secrète, de telles mesures doivent se
fonder sur une loi particulièrement précise, en particulier compte tenu
de ce que la technologie disponible devient de plus en plus sophistiquée
(Weber et Saravia c/ Allemagne (déc.), n° 54934/00, § 93, CEDH 2006-XI,
Association pour l’intégration européenne et les droits de l’homme et
Ekimdjiev, précitée, § 75, Liberty et autres c/ Royaume-Uni, n° 58243/00,
§ 62, 1 juillet 2008, et Iordachi et autres c/ Moldova, n° 25198/02, § 39,
10 février 2009).
62. En outre, la Cour a déclaré sous l’angle de l’article 7 de la
Convention que aussi clair que le libellé d’une disposition légale puisse
être, dans quelque système juridique que ce soit, y compris le droit
pénal, il existe immanquablement un élément d’interprétation judiciaire.
Il faudra toujours élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation. D’ailleurs, il est solidement établi dans la tradition
juridique des États parties à la Convention que la jurisprudence, en tant
que source du droit, contribue nécessairement à l’évolution progressive
du droit pénal. On ne saurait interpréter la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par
l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement
prévisible (voir, entre autres, S.W. c/ Royaume-Uni, 22 novembre 1995,
§ 36, série A n° 335-B, et Streletz, Kessler et Krenz c/ Allemagne [GC],
nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II). La Cour estime
que ces principes, développés sous l’angle de l’article 7, s’appliquent également au contexte examiné.
63. En outre, lorsqu’il s’agit de mesures de surveillance secrète par
les autorités publiques, l’absence de contrôle public et le risque d’abus
de pouvoir impliquent que le droit interne offre une protection contre
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