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membre, soit par l’Union directement, ce que les traités, dans leur rédaction
actuelle, ne permettent pas. Mais au-delà de l’obstacle juridique – même si
l’article 73 du TFUE n’interdit pas aux États membres de créer entre eux des
formes de coopération – la dynamique du renseignement européen repose
avant tout sur la connaissance du terrain ainsi que sur le partage des méthodes
opérationnelles et des techniques collectives de travail.
La création d’une superstructure européenne, plus ou moins calquée
sur le modèle de la CIA, reviendrait à méconnaître la réalité de l’Union
européenne qui, à la différence des États-Unis d’Amérique, n’est pas un État
fédéral mais s’apparente davantage à une « fédération d’Émanations » pour
reprendre la formulation inventée par Jacques Delors. Mais surtout, proposer
une CIA européenne ajouterait de la technocratie et de la rigidité à un système
qu’il s’agit au contraire de simplifier. Si, aux États-Unis comme en France ou
ailleurs en Europe il est difficile pour un gouvernement de faire collaborer ses
propres services nationaux, comment imaginer qu’une agence européenne
puisse aisément faire collaborer des dizaines de services nationaux ? En
l’espèce, et dans ces conditions, la juste application du principe de subsidiarité
plaide donc pour le choix de l’horizontalité, selon une logique de mise en
réseau d’une « communauté européenne du renseignement » plutôt que d’un
« service européen de renseignement ».
Le second sujet que soulève la question d’un renseignement européen
intégré concerne l’articulation entre les souverainetés nationales et
l’émergence d’une possible souveraineté européenne. Dans son discours de La
Sorbonne du 26 septembre 2017, le Président de la République a livré sa
vision d’une Europe souveraine, capable de décider elle-même de son destin.
Cette souveraineté européenne que le Chef de l’État appelle de ses vœux ne
doit pas se comprendre comme la négation des souverainetés nationales mais
comme leur prolongement dans une société mondialisée et interdépendante.
C’est à l’aune de cette réalité que les Européens doivent inventer cette
« conjugaison positive » des souverainetés au service de notre sécurité
collective.
2. Des améliorations au fonctionnement actuelles sont néanmoins
souhaitables et possibles
Mieux faire fonctionner l’existant plutôt que de s’engager dans la
création de nouvelles structures : c’est l’enjeu qui sous-tend les réflexions
actuelles pour optimiser la collecte, le partage et l’analyse de renseignements
au sein de l’Union européenne.
Le rapport de la Commission spéciale du Parlement européen sur le
terrorisme, présenté en session plénière en décembre 2018, formule de