CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013
Toutefois, est-il vraiment indispensable d’introduire une nouvelle
procédure d’appréhension de telles données dans notre droit ? En effet, aux
interceptions judiciaires de correspondances, susceptibles d’être mises en
œuvre au stade de l’instruction 1 ou de l’enquête 2 (mais seulement en cas de
criminalité organisée), s’ajoutent déjà, sur décision d’un juge d’instruction
et uniquement dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, la
sonorisation et la fixation d’images de certains lieux ou véhicules 3 ainsi que
la captation de données informatiques 4, ces dernières faisant aussi l’objet,
en droit commun, de mesures destinées à permettre aux enquêteurs d’y
avoir accès et de les copier en phase d’enquête 5 comme d’instruction 6.
Il est en définitive deux manières d’aborder la question. En premier lieu, le législateur peut choisir de préciser le régime juridique de
chaque mesure de surveillance qu’il souhaite introduire dans notre droit.
Conforme au principe de la légalité criminelle 7, le procédé présente deux
inconvénients techniques : d’une part, la loi est susceptible d’être – à plus
ou moins longue échéance – dépassée par les évolutions technologiques
et, de ce fait, inefficace, d’autre part, les impératifs de l’enquête « proactive » 8 risquent de mal s’accommoder d’une description trop détaillée
des opérations susceptibles d’être mises en œuvre.
On peut alors, en second lieu, concevoir une procédure élargie
d’appréhension des données électroniques qui ne reposerait que sur leur
caractère réservé, sans plus d’égard pour leur nature juridique (s’agitil de correspondances ? de données informatiques ? de propos échangés dans certains lieux ou véhicules ? d’un autre type de données ?), qui
conditionne le déclenchement d’un mécanisme de surveillance précis au
régime juridique spécifique. Cette solution, qui prend quelques libertés
avec le principe de légalité criminelle, présente en revanche l’avantage
d’être plus pragmatique puisqu’elle a vocation à englober de multiples
opérations de surveillance, sans qu’il soit besoin que le détail de leur
mise en œuvre apparaisse au grand jour.
En résumé, la difficulté est de résoudre un conflit entre, d’un côté,
les impératifs de la légalité criminelle, rempart protégeant les citoyens
contre des intrusions étatiques dans leur vie privée qui pourraient
se révéler abusives, et, d’un autre, le souci d’efficacité des autorités
publiques pour lutter contre le terrorisme ou, entre autres, les trafics de
toute nature. Quoi qu’il en soit, si l’on se range à l’idée d’une interception
1) Code de procédure pénale, art. 100 s.
2) Code de procédure pénale, art. 706-95.
3) Code de procédure pénale, art. 706-96 s.
4) Code de procédure pénale, art. 706-102-1 s.
5) Code de procédure pénale, art. 57-1 (flagrance), 76-3 (préliminaire).
6) Code de procédure pénale, art. 97-1.
7) Cf. infra no 4s.
8) Chrisje Brants et Stewart Field, Les méthodes d’enquête proactive et le contrôle des risques :
déviance et société 1997, vol. 21, p. 401s.
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