CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013

de la Constitution selon lesquelles l’autorité judiciaire est garante de la
liberté individuelle n’obligent pas à placer sous le contrôle de cette autorité les interceptions de sécurité qui constituent des mesures de police
administrative ne portant pas atteinte à la liberté individuelle au sens de
cet article 1 ».
Ce faisant, la juridiction interprétait l’article 66 comme un habeas
corpus portant non sur l’ensemble des libertés individuelles mais sur la
seule liberté de ne pas être détenu arbitrairement. Dans le même esprit,
par le biais de la décision no99-416 DC du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel opéra un revirement jurisprudentiel en adoptant cette même
position, cessant dès lors de rattacher la protection de la vie privée à
l’article 66 de la Constitution pour la faire découler de l’article 2 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Par la suite, il consolida
encore cette exégèse dans sa décision no2005-532 DC du 19 janvier 2006
concernant une loi antiterroriste qui portait notamment des dispositions
relatives aux interceptions de sécurité 2.
De surcroît, le juge constitutionnel a établi une distinction entre
la police judiciaire, dédiée à la répression d’une infraction ainsi qu’à
la recherche de ses auteurs, et la police administrative qui a pour but
de « faire cesser un trouble déjà né, fût-il constitutif d’infraction, et [de
concourir à] la prévention des infractions ». Dans ces conditions, si les
moyens octroyés à la première sont soumis à l’autorisation du juge (la
jurisprudence est constante sur ce point), ceux dévolus à la seconde
relèvent de la responsabilité du pouvoir exécutif 3.
En définitive, dans sa décision de janvier 2006, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi de 1991 relative aux interceptions de
sécurité fournissait un utile modèle pour fonder une réflexion spécifique
à cet enjeu. L’évolution jurisprudentielle et doctrinale a donc consacré
le recours à une AAI pour répondre aux naturelles exigences démocratiques, notamment portées par la CEDH, en matière de contrôle des
interceptions de sécurité administratives.

Les atouts des AAI pour le contrôle
de l’État secret
La controverse doctrinale dont nous avons rendu compte est susceptible de surprendre bien des Français, tant elle reflète une farouche

1) Conseil d’État, Rapport public 1991, Paris, La Documentation française, 1992, p. 62.
2) Cf. en particulier le « Commentaire de la décision no2005-532 DC du 19 janvier 2006 », in
Les cahiers du Conseil constitutionnel, no20, 16 p.
3) Décision no2005-532 DC du 19 janvier 2006. Jurisprudence désormais consolidée par la
décision no 2011-625 DC du 10 mars 2011.

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