CNCIS – 18e rapport d’activité 2009
informations n’a pas été une décision unilatérale du ministère public mais
celle d’un juge. Toutefois, le tribunal n’a pas examiné si les documents
auraient pu être d’une aide quelconque pour la défense ou si leur divulgation aurait pu, du moins de manière défendable, léser un intérêt public.
Le tribunal a fondé sa décision sur la nature des pièces en cause et non
sur une analyse de leur contenu. Au vu de la loi sur les activités opérationnelles et d’enquête qui interdit en termes absolus la divulgation d’informations touchant auxdites activités, le rôle du tribunal lors de l’examen de la
demande de divulgation présentée par la défense a été des plus limités.
Le processus décisionnel a donc été lourdement vicié. La décision attaquée était vague et ne précisait pas le genre d’informations sensibles que
pouvaient contenir les documents relatifs à l’opération de surveillance. Le
tribunal a admis l’exclusion pure et simple d’un examen contradictoire de
toutes les pièces. Par ailleurs, l’opération de surveillance ne visait pas le
requérant ou son coinculpé. Somme toute, la décision de ne pas communiquer les pièces touchant à l’opération de surveillance n’a pas été assortie
de garanties procédurales adéquates ni suffisamment fondée.
Recevabilité des dépositions des témoins : La défense a été placée
dans une position désavantageuse vis-à-vis de l’accusation : le ministère
public a été en mesure d’interroger directement les témoins-clés, ce que
n’a pas pu faire la défense. Toutefois l’impossibilité, pour le requérant,
d’interroger ces témoins en personne peut s’expliquer par certaines
circonstances objectives échappant au contrôle des autorités russes. Il
n’en demeure pas moins que ce fait, à lui tout seul, ne suffit pas pour
permettre de conclure à l’équité de l’administration et de l’examen des
preuves. La défense n’a pas eu l’autorisation de produire de nouvelles
dépositions écrites des témoins. Les preuves soumises par la défense
étaient pertinentes et importantes. Les trois témoins en cause étaient des
témoins à charge essentiels. La défense se promettait de leurs nouvelles
dépositions la possibilité non seulement d’obtenir des preuves absolutoires mais aussi de contester les preuves à charge contre le requérant.
À l’appui de son refus d’examiner de nouvelles dépositions, le tribunal
a invoqué une disposition de loi interne qui ne semble pas poursuivre
un quelconque intérêt légitime identifiable. Dans les circonstances particulières de l’espèce où le requérant n’a pas été à même d’interroger
plusieurs témoins clés à l’audience ou au moins lors de la phase préliminaire, le refus d’admettre les déclarations obtenues par la défense n’est
pas justifiée. La Cour souligne cependant qu’elle n’entend pas, par ce
constat, se prononcer sur l’appréciation de ce moyen de preuve, laquelle
appréciation est une prérogative des juridictions internes.
Équité globale de la procédure : La défense a été soigneusement
désavantagée vis-à-vis de l’accusation s’agissant de l’examen d’une
partie très importante du dossier. Au vu du rôle que jouent les apparences en matière de justice pénale, la procédure en cause, prise dans
son ensemble, n’a pas satisfait aux exigences d’un « procès équitable ».
Conclusion : violation (unanimité).
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