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Par ailleurs, l’avocat général ne répond pas à l’argumentaire du
Gouvernement français et des autres États membres pointant les divergences
de jurisprudence entre la Cour européenne des droits de l’homme et la
CJUE, alors que les stipulations de la Charte des droits fondamentaux reprennent
de manière substantielle celles de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
b. Un certain infléchissement par rapport à la jurisprudence Tele2
Bien qu’elles s’en défendent, ces conclusions témoignent cependant
d’un certain infléchissement par rapport à la jurisprudence Tele2.
D’une part, la critique, formulée par l’avocat général, de la
conservation ciblée et la recherche d’une solution alternative à la fois conforme
au droit de l’Union et praticable par les États membres attestent d’une certaine
prise de conscience de la gravité des enjeux auxquels ceux-ci sont confrontés.
D’autre part, l’avocat général invite la CJUE à faire preuve de davantage
de retenue et renvoie au législateur de l’Union ou aux États membres, dans le
cadre de la marge d’appréciation dont ils disposent, pour la détermination
des dispositifs de conservation.
Surtout, l’avocat général estime possible la mise en place d’un dispositif
de conservation, certes limitée et différenciée, mais qui concerne les données
de connexion de l’ensemble des utilisateurs et des abonnés des réseaux
internet et de téléphonie, et admet la conformité au droit de l’Union d’un
dispositif de conservation générale plus étendu dans des situations
exceptionnelles.
c. Des conclusions qui ne lient pas la CJUE
Ces conclusions ne lient pas la Cour de justice, qui pourrait rendre son
arrêt à l’été ou à la rentrée prochaine, de sorte qu’il n’est aucunement certain que
la Cour suive son avocat général sur tout ou partie de ses propositions. En outre, la
CJUE pourrait, ainsi que l’y invite son avocat général dans l’affaire préjudicielle
belge, valider dans son principe la modulation dans le temps, par la
juridiction de renvoi, des effets d’une éventuelle invalidation de la législation
nationale, ce qui permettrait au Conseil d’État, d’une part, de ménager un délai
suffisant pour réformer notre dispositif, et d’autre part, de sanctuariser les
procédures notamment pénales fondées sur des données collectées et conservées
en méconnaissance des exigences posées par la Cour.
Cette jurisprudence a été évoquée par les gouvernements en conseil
JAI (1) et beaucoup de travaux ont été faits depuis deux ans sur le sujet. Par
ailleurs, les procureurs de plusieurs États se sont exprimés sur le sujet, estimant
(1) Conseil des ministres européens de la justice et des affaires intérieures.