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différence de la CJUE qui a censuré le principe même d’une conservation
généralisée et indifférenciée indépendamment de l’existence de garanties
entourant l’accès aux données conservées, la CEDH ne semble pas s’opposer à
une collecte et conservation indifférenciées de données dès lors que
l’utilisation de ces données fait l’objet d’un encadrement suffisant répondant à
de stricts critères. En outre, il y a lieu de relever que la CEDH ne fait ici pas de
distinction entre les régimes de traitement de données selon qu’ils poursuivent une
finalité de renseignement ou de lutte contre la criminalité, distinction que la CJUE
est invitée à opérer dans une question préjudicielle pendante (Privacy
International).
c. Le partage de renseignements avec les États étrangers
Enfin, dans l’arrêt Big Brother Watch, la CEDH est appelée pour la
première fois à examiner la conformité à la Convention d’un régime
d’échange de renseignements. En l’espèce, la question concerne du
renseignement entrant puisque certaines des requérantes contestaient la légalité de
la réception, par le Royaume-Uni, d’éléments interceptés par la NSA, l’Agence de
sécurité américaine.
La CEDH reprend sa grille d’analyse habituelle, vérifiant si ce partage est
prévu par la loi et s’il est entouré des six garanties minimales définies dans sa
jurisprudence constante, relatives à la nature des infractions susceptibles de
donner lieu à un mandat d’interception ; à la définition des catégories de
personnes dont les communications sont susceptibles d’être interceptées ; à la
limite à la durée d’exécution de la mesure ; à la procédure à suivre pour l’examen,
l’utilisation et la conservation des données recueillies ; aux précautions à prendre
pour la communication des données à d’autres parties ; et aux circonstances dans
lesquelles les données interceptées peuvent ou doivent être effacées ou détruites.
En l’espèce, la Cour déclare qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la
Convention à raison du régime d’échange de renseignements.
4. Une jurisprudence qui, si elle a des effets majeurs en droit interne,
laisse davantage de marges d’appréciation aux États que celle de la CJUE
en matière de droit du renseignement

La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’examiner
progressivement, au cours des quarante dernières années, depuis l’arrêt Klass c.
Allemagne de 1978, la mise en œuvre de diverses techniques de renseignement
ainsi que les modalités de leur contrôle. Interrogé par la mission d’information, le
président de la formation spécialisée du Conseil d’État chargée du contentieux de
la mise en œuvre des techniques de renseignement, M. Edmond Honorat, a estimé
que la Cour européenne des droits de l’homme prenait bien en compte les
difficultés, les nécessités ainsi que les spécificités de l’activité de renseignement,
notamment la préservation du secret inhérente à leur action. « Elle laisse
également une véritable marge d’appréciation aux États parties sur ce point. Elle

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