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La CNIL parle ainsi d’une véritable « dissémination de données » dans un
« contexte d’exposition permanente de soi sur les réseaux sociaux ». La
Commission nationale de l’informatique et des libertés fait remarquer que cette
technologie permet le traitement de données à distance et à l’insu des personnes et
le suivi en temps réel des déplacements de chacun, sans interaction avec la
personne et donc sans qu’elle en ait même conscience : « Techniquement, la
reconnaissance faciale permet ce que nulle autre technologie ne permet
actuellement ni n’a jamais permis, à savoir reconnaître une personne n’ayant
entrepris aucune démarche particulière, ni à l’occasion d’un enrôlement ni à
l’occasion de la comparaison, voire identifier nominativement une telle personne,
sans que le porteur du dispositif ait jamais entretenu la moindre relation avec
elle. »
Dans le cadre de sa réflexion précitée, le Forum économique mondial se
fait l’écho de ces préoccupations, soulignant lui aussi que l’un des risques de la
reconnaissance faciale « serait qu’une technique devienne un outil de surveillance
active des personnes en temps réel. L’usage de cette technologie inquiète à juste
titre l’opinion publique d’autant qu’il se fait parfois à l’insu et sans le
consentement des personnes concernées. (…) Il est régulièrement fait état
d’atteintes à l’intégrité des données biométriques et d’utilisation des données
personnelles en vue de développer des systèmes de reconnaissance faciale sans en
informer les utilisateurs. »
Troisièmement, la reconnaissance faciale représente, selon la CNIL, un
potentiel de surveillance inédit. Nombreux sont les dispositifs de
vidéosurveillance, de vidéoprotection mais aussi les smartphones et les écrans
publicitaires pouvant devenir des supports de surveillance. La CNIL souligne
qu’« on ne peut exclure que ces dispositifs de captation d’images, supports
potentiels de tout système de reconnaissance faciale, soient en outre couplés à
d’autres types de technologies, par exemple la captation du son, amplifiant encore
davantage le degré de surveillance des personnes et des lieux. Ce tournant
technologique se double d’un changement de paradigme de la surveillance, déjà
constaté en de nombreux domaines : le passage d’une surveillance ciblée de
certains individus à la possibilité d’une surveillance de tous aux fins d’en
identifier certains. Le remplacement des contrôles humains de vérification de
l’identité des personnes par des contrôles réalisés par des traitements
algorithmiques, modifie, par lui-même, le potentiel de surveillance. »
La Commission nationale de l’informatique et des libertés parle ainsi d’un
véritable changement de nature de la surveillance dès lors que celle-ci devient
indifférenciée. Les cas d’usages les plus poussés de la reconnaissance faciale
présentent un risque évident d’atteinte à l’anonymat dans l’espace public.
L’espace public, physique ou numérique, est un lieu où s’exercent de nombreuses
libertés individuelles et publiques : droit à la vie privée et à la protection des
données personnelles, mais également liberté d’expression et de réunion, droit de
manifester, liberté de conscience, libre exercice des cultes, etc. Cet anonymat est
protégé par le droit en vigueur.

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