Études et documents
(...) Sur le point de droit no 2 : deux courriers destinés au requérant ont
été ouverts par les autorités pénitentiaires. La répétition de l’ouverture des
lettres, deux fois à un mois d’intervalle, alors que le tampon du greffe de la
Cour y était facilement lisible, constitue un dysfonctionnement des services
pénitentiaires et s’analyse sans conteste en une ingérence dans le droit du
requérant au respect de sa correspondance, au sens de l’article 8.1 de la
Convention.
Pareille ingérence méconnaît cette disposition sauf si, « prévue par la
loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et, de
plus, est « nécessaire, dans une société démocratique » pour les atteindre.
Aux termes des articles 40 et 40-1 du Code de procédure pénale, le
greffe de la Cour fait partie des autorités avec lesquelles les détenus sont
autorisés à correspondre sous pli fermé. Il s’ensuit que l’ouverture, par les
autorités pénitentiaires, de deux lettres consécutives adressées au requérant par le greffe était contraire à la réglementation française et n’était, en
conséquence, pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8.2 de la
Convention.
Compte tenu de cet état de fait, l’ingérence des autorités pénitentiaires dans la correspondance du requérant n’était pas justifiée au regard des
dispositions de l’article 8.2.
Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
Vie privée
Arrêt CEDH 27 avril 2004/DOERGA c. Pays-Bas
Enregistrements et conservation de conversations téléphoniques
d’un prisonnier par les autorités pénitentiaires, ensuite utilisés comme éléments de preuve pour le condamner pour une autre infraction
En fait : le requérant, qui purgeait une peine de prison, fut soupçonné
d’avoir communiqué de fausses informations à la police au sujet d’un plan
d’évasion d’autres détenus. Ses conversations téléphoniques furent alors
interceptées et enregistrées. Toujours pendant sa détention, l’intéressé fut
soupçonné d’avoir organisé – à partir de la prison – le déclenchement d’un
engin explosif dans la voiture de son ex-compagne. Les enregistrements
des conversations téléphoniques furent mis à la disposition des enquêteurs
dans le cadre de l’information pénale sur l’attentat à la bombe. La cour
d’appel reconnut le requérant coupable de complicité de coups et blessures
graves avec préméditation et de menaces de mort. Elle fonda la condamnation notamment sur certaines des conversations téléphoniques de l’intéressé qui avaient été enregistrées par les autorités de la prison avant
l’attentat à la bombe, en particulier sur l’une d’elles où le requérant conseillait à sa sœur de ne jamais s’approcher de la voiture de son ex-compagne.
La cour d’appel rejeta les arguments du requérant selon lesquels les enregistrements des conversations devaient être écartés au motif qu’il s’agissait
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