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LA COORDINATION DE LA LUTTE ANTITERRORISTE EN FRANCE
Au cours de la guerre d’Algérie, le SCINA (service de coordination des informations nordafricaines) a été remplacé par le BDL (bureau de liaison) qui, réunissant la police judiciaire, la DCRG
et la DST, était en charge de la lutte contre l’OAS. En 1976, les autorités gouvernementales ont créé
le Comité permanent de coordination puis, en raison de la montée en puissance des périls, Gaston
Defferre a institué en 1982 le CILAT (comité interministériel de lutte antiterroriste, le niveau politique
de la coordination) et le BLAT (bureau de liaison antiterroriste, le niveau administratif de la
coordination). À ce dernier se substituera en octobre 1984 l’UCLAT (unité de coordination de la lutte
antiterroriste), à l’initiative de Pierre Joxe. Cette instance existe encore aujourd’hui, ce qui fait d’elle
la plus ancienne unité de coordination des services antiterroristes en Europe.

La prééminence du chef de l’État résulte encore du fait que si, selon le
décret de 1962, c’est au CIR – dont le secrétariat est assumé par le SGDN –
qu’appartient la responsabilité d’établir le plan de renseignement gouvernemental,
celui-ci ne doit pas moins être ensuite soumis au Comité de défense présidé par le
chef de l’État.
Dans les faits, pas plus cette structure que celle instaurée par le décret non
publié du 26 août 1964 pour coordonner sous l’autorité du Premier ministre les
activités de contre-espionnage déployées par le SDECE et la DST n’ont jamais fait
la preuve de leur utilité. Il est vrai que Georges Pompidou ne se souciera jamais
véritablement du renseignement, ce qui conduira d’ailleurs le chef de l’État à lui
ôter en 1966, après l’affaire Ben Barka, la responsabilité du SDECE. Désormais,
le service extérieur sera placé sous l’autorité du ministre de la Défense.
Huit ans plus tard, c’est un autre Premier ministre, Jacques Chirac, qui
s’efforcera, par le truchement de son directeur de cabinet Jérôme Monod, de
redonner vie au Comité Interministériel du Renseignement (1). Mais cette fois
encore, la lourdeur de la structure le conduira au final à opter pour une instance ad
hoc : une fois par mois, vont prendre l’habitude de se réunir les directeurs de
cabinet des ministres de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères, le
directeur général de la Police nationale, le directeur de la DST, le Préfet de Police,
le directeur central des Renseignements généraux, le secrétaire général de la
Défense nationale ainsi que le directeur du SDECE.
En 1976, le changement de Premier ministre ne modifie en rien les
habitudes ainsi contractées. Le préfet Daniel Doustin, directeur du cabinet de
Raymond Barre et ancien directeur de la DST, intensifiera même le rythme des
réunions qui deviendront hebdomadaires.
Ainsi, une forme de coordination s’est-elle peu à peu instituée ; mais elle
résulte plus de la volonté d’une poignée hommes que d’une logique de système.
Un constat qui, en termes de cohérence administrative, ne laisse pas de surprendre.

(1) Sur ce point, et plus généralement sur la période 1974-1997, se reporter à Floran Vadillo, « L’Élysée et
l’exercice du pouvoir sous la Vème République : le cas de la politique de lutte antiterroriste (1974-1997 »),
thèse pour le doctorat en science politique, Bordeaux, Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim,
2012, 560 p.

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