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C. LA QUESTION DES DDAI
Au demeurant, la Commission s’interroge sur le recours routinisé
aux DDAI afin de financer les dépenses de certains services de la
communauté du renseignement.
Conçus pour faire face à des dépenses urgentes et imprévisibles
telles les catastrophes naturelles ou sanitaires, ces décrets sont pris en
application du programme budgétaire 552 (Dépenses accidentelles et
imprévisibles), l’une des deux composantes de la mission Provisions. Ce
programme se caractérise par une souplesse avantageuse : contrairement aux
autres leviers d’aménagements budgétaires à disposition de l’exécutif (loi de
finances rectificative, décrets d’avance, virements et transferts entre
programmes, dégel de crédits mis en réserve) qui supposent de recueillir
l’avis et/ou l’accord de différentes institutions, les DDAI ne sont pas soumis
aux mêmes obligations. En effet, les fonds affectés au programme 552
relèvent d’un simple décret du Premier Ministre pris sur rapport du ministre
chargé des Finances. Ces documents ne font pas nécessairement l’objet d’une
publication, notamment lorsqu’ils relèvent de la Défense nationale. Ils sont
d’ailleurs fréquemment utilisés pour financer des opérations extérieures,
s’éloignant quelque peu de l’épure du droit selon la Cour des comptes. Dans
le même ordre d’idées, ils ont permis, depuis 2009, d’acquérir un immeuble,
de financer la campagne de vaccination contre le virus H1N1, de consulter
les habitants sur le projet du Grand Paris, de payer des crédits de personnel
en fin d’année...
En sus de sa souplesse, le programme se caractérise par l’absence
d’évaluation et de contrôle prévus par la LOLF au regard des objectifs
poursuivis (parer à l’imprévisible). Seul le contrôle des fonds spéciaux,
lorsque des DDAI concernent des services de renseignement, introduit une
nuance à ce propos.
Ces caractéristiques particulières ont conduit la Cour des comptes à
proposer de préciser la doctrine d’emploi de ces fonds afin de les cantonner
« aux situations de calamités ou aux dépenses réellement imprévisibles ». La Cour
poursuit : « L’absence de doctrine d’emploi, la faiblesse des montants inscrits sur la
mission et l’existence d’autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses
urgentes et imprévues (mise en réserve, auto-assurance) conduisent à mettre en
question l’utilité de la mission. » Ces positions sont réaffirmées chaque année
dans le rapport sur l’exécution du budget de l’Etat par mission et programme.
Dans le domaine du renseignement, la CVFS a constaté le recours
systématique à des DDAI afin de financer, au-delà du déclenchement de la
crise, des dépenses qui, avec le temps, deviennent prévisibles. La
Commission s’interroge sur cette pratique et se demande en particulier si elle
ne constitue pas la contrepartie d’une volonté de maintenir une dotation en
fonds spéciaux gelée. Or, si l’on omet la réelle complexité comptable
introduite, l’usage des DDAI constitue un cercle vicieux dans la mesure où la

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