Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...
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80. Il résulte de ce que la Cour a dit pour droit, et qui a été rappelé au point 78 de la présente décision, que le droit de l'Union
européenne autorise le recueil en temps réel des données de trafic et de localisation lorsque celui-ci est limité aux personnes à l'égard
desquelles il existe une raison valable de soupçonner qu'elles sont impliquées d'une manière ou d'une autre dans des activités de
terrorisme. Il s'ensuit que la technique définie à l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à la
date des décrets contestés, n'est pas contraire, dans son principe, aux dispositions de l'article 15, paragraphe 1, de la directive du 12
juillet 2002 et de l'article 23 du RGPD telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne. En revanche, le recueil en
temps réel des données de trafic et de localisation doit être soumis au contrôle préalable d'une juridiction ou d'une autorité
administrative indépendante dont la décision est dotée d'un effet contraignant. Or, d'une part, les avis que rend la Commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement ne sont pas contraignants et, d'autre part, l'article L. 833-8 du code de la
sécurité intérieure ne prévoit pas de saisine systématique du Conseil d'Etat lorsque le Premier ministre ne donne pas suite aux avis ou
aux recommandations de la commission. Il s'ensuit que l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure méconnaît les dispositions de
la directive en tant qu'il ne prévoit pas de contrôle préalable par une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir d'avis
conforme ou une juridiction. Il doit donc être écarté dans cette mesure seule et les décrets attaqués doivent être annulés en tant
seulement qu'ils permettent la mise en oeuvre du recueil en temps réel des données de trafic et de localisation sans prévoir un tel
contrôle. La mise à l'écart du droit national par le juge dans cette mesure n'est pas de nature à priver de garanties effectives les
objectifs de valeur constitutionnelle cités au point 9.
Quant à l'article L. 851-4 du code de la sécurité intérieure :
81. Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 851-4 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Dans les conditions
prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre, les données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés
mentionnées à l'article L. 851-1 peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs à un
service du Premier ministre ".
82. Il résulte de ce que la Cour a dit pour droit et qui a été rappelé au point 78 que l'article 15 de la directive du 12 juillet 2002 autorise
le recueil en temps réel des données de localisation pour la prévention du terrorisme. Toutefois, il ne ressort pas de l'arrêt de la Cour
de justice de l'Union européenne du 6 octobre 2020 que la directive interdirait le recours à cette méthode de renseignement pour la
défense et la promotion des autres intérêts fondamentaux de la Nation définis à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, dans
le respect du principe de proportionnalité des atteintes à la vie privée rappelé à l'article L. 801-1 du code. Il s'ensuit que les
associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'article L. 851-4 du code de la sécurité intérieure méconnaîtrait le droit de
l'Union européenne en tant qu'il poursuivrait des finalités trop larges.
83. En revanche, et pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 80 de la présente décision, l'article L. 851-4 du code de la
sécurité intérieure méconnaît les dispositions de la directive en tant qu'il ne prévoit pas de contrôle préalable du recueil en temps réel
des données de localisation par une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir contraignant ou une juridiction. Il doit donc
être écarté dans cette seule mesure, ce qui n'est pas susceptible de priver de garanties effectives les exigences constitutionnelles
mentionnées au point 9, et les décrets attaqués doivent être annulés en tant seulement qu'ils permettent sa mise en oeuvre sans
prévoir un tel contrôle.
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que les techniques du livre VIII du code de la sécurité intérieure seraient entourées de
garanties procédurales insuffisantes :
S'agissant du moyen tiré de ce que les dispositions attaquées organisent l'accès aux données des personnes dont les communications
sont soumises au secret professionnel, conservées en méconnaissance du droit de l'Union :
84. D'une part, il découle clairement de l'article 15 de la directive du 12 juillet 2002 que le droit de l'Union européenne ne s'oppose pas
à ce que les données de connexion des personnes dont les communications sont soumises au secret professionnel fassent l'objet
d'une obligation de conservation en cas de menace grave, réelle et actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale. Il résulte de l'état
de la menace rappelé aux points 44 et 66 que le pouvoir réglementaire pouvait légalement imposer aux opérateurs cités aux articles L.
34-1 du code des postes et des communications et 6 de la loi du 21 juin 2004 de conserver les données de trafic et de localisation de
ces personnes.
85. D'autre part, les requérants soutiennent que les articles L. 851-1 à L. 851-4 du code de la sécurité intérieure méconnaissent le droit
de l'Union européenne faute de prévoir des garanties légales pour le traitement des données de connexion des personnes dont les
communications sont soumises au secret professionnel. Or, l'article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure dispose, dans sa
rédaction applicable au litige, que : " Un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l'objet d'une demande de
mise en oeuvre, sur le territoire national, d'une technique de recueil de renseignement mentionnée au titre V du présent livre à raison
de l'exercice de son mandat ou de sa profession. Lorsqu'une telle demande concerne l'une de ces personnes ou ses véhicules, ses
bureaux ou ses domiciles, l'avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est examiné en formation
plénière. L'article L. 821-5 n'est pas applicable. (...) Les transcriptions des renseignements collectés en application du présent article
sont transmises à la commission, qui veille au caractère nécessaire et proportionné des atteintes, le cas échéant, portées aux
garanties attachées à l'exercice de ces activités professionnelles ou mandats ". Il s'ensuit que le moyen invoqué à ce titre manque en
fait.
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