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écrivain fasse carrière dans cet univers. Ce qui a été possible pour Graham Greene
ne l’aurait pas été pour François Mauriac.
Nous sommes face à une contradiction propre à la démocratie, qui doit
tout à la fois se protéger et se dévoiler. C’est un sujet que soulevait déjà
Démosthène. Pendant la guerre de Macédoine, celui-ci devait rendre des comptes
de toutes ses activités, notamment de renseignements. De ce fait, Philippe
connaissait chacune de ses décisions, quand la réciproque n’était pas vraie. Le
droit contemporain nous apprend que, si la démocratie ne peut se dispenser de
certaines activités secrètes, celles-ci doivent cependant être encadrées, non
directement par les citoyens mais par un contrôle intermédiaire, en l’espèce celui
de la Commission, dont nous reparlerons longuement.
Ma première question sera sémantique. La Commission nationale de
contrôle des techniques de renseignement a vocation à contrôler non les
techniques mais leur mise en œuvre. Ce point mérite d’être précisé.
Deuxièmement, n’a-t-on pas choisi un filet trop large, en autorisant la
collecte de renseignements pour l’ensemble des intérêts publics mentionnés au
nouvel article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure ? Je comprends qu���on
invoque la lutte contre le terrorisme, l’atteinte aux intérêts de la sécurité nationale
ou la politique internationale. D’autres motifs cités dans l’article me semblent plus
discutables. Plus on veut pêcher large, plus le filet doit être précis et resserré.
Ma troisième question est plus ponctuelle. Quand le Premier ministre
autorise en urgence la mise en œuvre de certaines techniques, j’ose croire qu’il est
informé des motifs qui la justifient. La rédaction du texte laisse penser l’inverse.
Peut-on modifier le texte sur ce point ?
M. Sergio Coronado. Ce projet de loi porté par l’ensemble du
Gouvernement et présenté par le Premier ministre n’est pas un projet de
circonstance. Il n’a pas été écrit sous le coup de l’émotion. Voilà longtemps que
nous réclamions un texte sur les finalités et les principes encadrant le
renseignement. Le rapport de M. Urvoas et de M. Verchère pointait un vide, en la
matière.
Le président et rapporteur n’apprécie pas qu’on examine les textes au pas
de charge. Je regrette d’autant plus le recours à la procédure accélérée et
l’inscription de son examen au lendemain d’une période électorale chargée, ce qui
a pénalisé le travail en amont. Il m’a ainsi été difficile d’assister à toutes les
auditions préparatoires. Je remercie néanmoins le ministre de l’Intérieur d’avoir
consacré beaucoup de temps aux parlementaires. J’y vois un signe encourageant
pour le débat en commission comme en séance publique. Il serait désolant que les
Français se sentent privés d’une discussion transparente sur un sujet qui les
concerne. Celle-ci portera moins sur les techniques de surveillance que sur les
principes qui doivent encadrer les pratiques de renseignement et la défense des
libertés.