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Le rapport public de la délégation parlementaire au renseignement pour
l’année 2014 soulignait d’ailleurs la nécessité de ne pas surinvestir le champ de la
lutte contre le terrorisme au détriment d’autres missions tout aussi déterminantes
pour la sécurité de notre pays, à l’instar de la lutte contre l’espionnage ou la
grande criminalité organisée transnationale. Le projet de loi traduit bien cet
équilibre à trouver.
2. Ce n’est pas l’organisation d’une surveillance indifférenciée de masse

Contrairement à ce que cherchent à accréditer certaines critiques
formulées depuis la présentation du présent projet de loi par le Gouvernement, il
n’est pas question d’instaurer – voire de légaliser – une surveillance indifférenciée
de masse par les services de renseignement français.
Ainsi comme votre rapporteur a déjà eu maintes fois l’occasion de
l’affirmer (1) « la France [n’] institue pas un régime d'exception (à l'instar du
Patriot Act) et qu'elle n'en aurait d'ailleurs pas les moyens constitutionnels ou
juridiques – en raison notamment des obligations découlant de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que notre pays a
signée et ratifiée ». En effet, aux exégètes amateurs qui comblent leurs lacunes par
des préjugés et à ceux de mauvaise foi pour qui le soupçon tient lieu de
raisonnement, il faut opposer une analyse dépassionnée du droit.
Dans le texte, il n’y a nul démantèlement du droit comme le dénonce le
philosophe Giorgio Agamben dans son livre État d’exception (2), consacré
aux outils dont se sont dotés les gouvernants à travers les âges pour louvoyer entre
droit public et fait politique, entre vie et ordre juridique. De même, il serait vain de
rechercher une disposition par laquelle le droit inclurait sa propre suspension à
l’instar du « military order » pris par le président Georges Bush le 13 novembre
2001 qui autorisait le recours à des commissions militaires (et non à des tribunaux
militaires que prévoit parfois le droit de la guerre) pour juger des personnes
suspectées de participation à des actions terroristes.
Enfin il est essentiel de redire qu’en France, le renseignement n’incarne
pas sa propre finalité mais un moyen pour préserver notre modèle démocratique.
La définition précise des missions de nos services qui est l’une des vocations de ce
projet de loi participe ainsi à la consécration de cette philosophie. Si aux ÉtatsUnis règne une « idéologie de la capture » qui justifie l’existence d’un dispositif
de renseignement tourné vers la détection de la menace qui conduit à une
surveillance massive, sans autre réelle restriction que celle induite par les limites
technologiques, dans notre pays, la mise en œuvre des techniques de recueil du
renseignement doit être réalisée en tenant compte d’un principe de
proportionnalité : la fin ne justifie pas tous les moyens.
(1) Cf. par exemple Jean-Jacques Urvoas et Jean-Pierre Sueur, « La loi de programmation militaire du
gouvernement n'est pas liberticide », Le Monde, 8 janvier 2014.
(2) État d’exception, 2003, Le Seuil.

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