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que ces écoutes disposaient d’une base juridique en droit français, elle estimait
que le dispositif n’était pour autant pas assez précis (1) et manquait de garanties au
regard des exigences de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La France a également été condamnée plus récemment par la Cour
européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Vetter c. France du 31 mai 2005,
pour avoir procédé, en 1997, en police judiciaire, à la sonorisation d’un
appartement sans base juridique suffisamment précise.
Dans la mesure où notre pays a, sous l’effet conjugué des condamnations
de la Cour européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence interne,
complété son appareil juridique en matière de police judiciaire, il apparaît
désormais que le recours aux moyens spéciaux d’investigation mis en œuvre par
les services de renseignement en dehors du cadre judiciaire, comme les
sonorisations de lieux privés ou la pose de balises sur un véhicule, doit faire
l’objet d’une définition précise.
Or seul le législateur auquel il incombe, en application de l’article 34 de la
Constitution, de fixer les règles en matière de « garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », peut remédier à ce vide
juridique.
b. Le cadre constitutionnel
Depuis 1999 (2), le Conseil constitutionnel estime que le droit au respect de
la vie privée entre dans le champ de la liberté personnelle proclamée par l’article 2
de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, laquelle implique
notamment, le droit au secret des correspondances et à l’inviolabilité du
domicile (3). Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (4), il rattache le
droit au secret des correspondances aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789, en considérant qu’ « il incombe au législateur
d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre
(1) Cf. considérant n° 35 : « Surtout, le système n’offre pas pour le moment des sauvegardes adéquates contre
divers abus à redouter. Par exemple, rien ne définit les catégories de personnes susceptibles d’être mises
sous écoute judiciaire, ni la nature des infractions pouvant y donner lieu ; rien n’astreint le juge à fixer une
limite à la durée de l’exécution de la mesure ; rien non plus ne précise les conditions d’établissement des
procès-verbaux de synthèse consignant les conversations interceptées, ni les précautions à prendre pour
communiquer intacts et complets les enregistrements réalisés, aux fins de contrôle éventuel par le juge qui
ne peut guère se rendre sur place pour vérifier le nombre et la longueur des bandes magnétiques originales
et par la défense, ni les circonstances dans lesquelles peut ou doit s’opérer l’effacement ou la destruction
desdites bandes, notamment après non-lieu ou relaxe. Les renseignements donnés par le Gouvernement sur
ces différents points révèlent au mieux l’existence d’une pratique, dépourvue de force contraignante en
l’absence de texte ou de jurisprudence. »
(2) Conseil constitutionnel, décision n° 99-411 DC, 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la
sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.
(3) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-357 QPC, 29 novembre 2013, Société Wesgate Charles Ltd, cons.
6, et décision n° 2013-679 DC, 4 décembre 2013, cons. 38, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et
la grande délinquance économique et financière.
(4) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC, 2 mars 2004, cons. 4.