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le second alinéa de l’article L. 773-3 du code de justice administrative autorise
la formation de jugement à relever d’office tout moyen.
Enfin, le deuxième alinéa de l’article L. 773-4 du code de justice
administrative prévoit que lorsque la CNCTR n’est pas partie à la procédure, elle
est néanmoins informée de toute requête et invitée à présenter, le cas échéant, des
observations écrites ou orales de nature à éclairer l’avis qu’elle a rendu sur
l’utilisation de la technique de recueil de renseignement contestée. L’intégralité
des pièces des parties lui est alors communiquée.
Le contentieux de la mise en œuvre des techniques de recueil de
renseignement repose donc sur un procédure contradictoire asymétrique fondée
sur la logique suivante : le Conseil d’État – comme la CNCTR – a accès à tout les
éléments du dossier pour pouvoir tout contrôler, sans limite, avec des pouvoirs de
juge de plein contentieux mais les personnes visées par ces techniques ne doivent
rien savoir de l’existence de ces techniques ni des renseignements qui en sont
issus et qui pourraient les concerner.
Votre rapporteur observe que le Conseil d’État a déjà considéré que « si le
caractère contradictoire de la procédure fait obstacle [en principe] à ce qu’une
décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des
parties n’aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement, afin
d’assurer l’effectivité du droit au recours, lorsque, comme en l’espèce, l’acte
attaqué n’est pas publié [car intéressant la sûreté de l’État] » (1). Cette décision du
Conseil d’État s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence européenne rendue à
propos du contentieux des marchés publics, matière également couverte par le
secret, en l’occurrence celui des affaires. S’interrogeant sur la notion de procès
équitable au sens de l’article 6 de la CEDH, la Cour de justice de l’Union
européenne a eu l’occasion d’affirmer que, dans le cadre du contentieux de
passation des marchés publics, le juge peut décider de ne pas transmettre aux
parties certaines pièces versées au dossier pour assurer la protection du secret des
affaires tout en les prenant en considération (2).
L’aménagement du contradictoire prévu par le présent article apparaît
donc équilibré car il offre au citoyen la garantie qu’un juge – le Conseil d’État –
ait pleine connaissance de l’ensemble des éléments le concernant, y compris des
éléments classifiés, ce qui n’existe pas dans le droit en vigueur, tout en respectant
le secret de la défense nationale. Le Conseil d’État pouvant relever d’office tout
moyen et exerçant un contrôle de plein contentieux, l’asymétrie d’information
entre l’administration d’une part et le requérant d’autre part n’apparaît pas
disproportionnée.

(1) Conseil d’État, 16 avril 2010, n° 320196, Association Aides et Autres, contre le décret portant création du
fichier « CRISTINA » au profit de la direction centrale du renseignement intérieur, d’autre part, contre un
second décret dispensant le premier de publication.
(2) CJCE 14 févr. 2008, Varec SA c/ Belgique, aff. C-450/06, Rec. I-581.

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