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qu’elles consacrent » (1) et ensuite parce que depuis de longues décennies, les
gouvernements démocratiques se sont dotés de normes juridiques le démontrant.
En ce domaine, les États-Unis font figure d’exemple : en 1947, avec le
National Security Act, une première loi crée la CIA ; en 1968 un texte légalise les
interceptions de sécurité ; en 1976 un autre crée un contrôle parlementaire et,
depuis, les lois se multiplient, poussant parfois très loin le caractère exceptionnel
de la matière.
L’Allemagne suit un modèle vertueux depuis 1950 avec une loi créant le
service de renseignement intérieur (Office fédéral de protection de la constitution
Bundesamt für Verfassungsschutz – BfV) ; dès 1951, le pays instaure un contrôle
parlementaire ; il légalise les interceptions de sécurité en 1968 et officialise
l’existence de son service fédéral de renseignement (Bundesnachrichtendienst
– BND) par la loi du 20 décembre 1990.
Dans ces mêmes années 1990, on peut énumérer la loi italienne du
24 octobre 1997 sur le Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare
(services secrets militaires, service de renseignement extérieurs) et le Servizio per
le Informazioni e la Sicurezza Democratica (service de renseignement intérieur),
la loi belge du 30 novembre 1998 sur la sûreté de l'État (service de renseignement
civil) et le Service général du renseignement et de la sécurité (service militaire
– SGRS) et la loi slovène du 8 avril 1999 sur l’agence Slovenska ObveščevalnoVarnostna Agencija (SOVA). Si le Royaume-Uni a longtemps été rétif à toute
officialisation de ses activités de renseignement, une condamnation de la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH), le 2 août 1984 (Malone c. Royaume
Uni), contraint le pays à sortir de l’ambiguïté : en 1985 une loi légalise les
interceptions de sécurité, une autre légalise le service de renseignement intérieur
(le « MI5 ») en 1989 ; puis le 26 mai 1994, l’Intelligence Services Act officialise
l’existence du service extérieur (le « MI6 ») en même temps qu’elle instaure un
contrôle parlementaire. Et, à l’instar des pays précités, d’autres lois sont venues
compléter ou moderniser l’appareil ainsi défini.
L’Espagne a légiféré le 6 mai 2002 sur son Centre national de
renseignement (Centro Nacional de Inteligencia – CNI), la Suède le 12 décembre
2002 afin de donner à sa « police de sécurité » (Säkerhetspolisen ou Säpo) un
cadre légal au sein du Conseil national de la police suédoise, la Pologne sur son
Agencja Wywiadu et sur son agence de la sécurité intérieure (Agencja
Bezpieczeństwa Wewnętrznego) le 24 mai 2002, la Grèce le 3 mars 2008, la
Suisse avec la loi fédérale sur le renseignement civil du 3 octobre 2008.
Mais la France se distinguait à nouveau à cette occasion en n’évoquant pas
la question du cadre juridique pourtant traitée conjointement à celle du contrôle
par nos voisins.
(1) René Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, 1920, Sirey, Tome 1, p. 488-489.