CNCIS - Dixième anniversaire de la Commission
On voit que, plus encore que pour la correspondance, les contours de
l’interception ne cessent de s’estomper davantage ; mais, comme la correspondance, l’interception reste stable en tant que catégorie juridique et
conserve ses fonctions juridiques.
Conclusion : d’une loi des messages à une loi
des données ?
Ce qui précède devrait conduire à une conclusion optimiste pour
l’avenir de la loi de 1991 : protégée par l’étroitesse de son champ d’application et par la plasticité de ses notions de base, elle paraît en mesure de
s’adapter au nouveau contexte dans lequel elle s’applique, en tant qu’elle
concerne des messages de correspondance, distingués des messages de
communication. C’est en effet ce sentiment rassurant que l’on éprouve en
l’état actuel de notre droit.
Mais cet état actuel n’est plus, quant à lui, satisfaisant. En d’autres termes, il paraît inutile d’amender la loi de 1991 avec l’espoir d’en rendre l’application plus aisée, si l’on ne modifie pas l’ensemble du droit des
messages, ou plus exactement des données.
Notre législateur a procédé par étape : à chaque problème, une réponse législative et... une autorité administrative indépendante : l’informatique, les fichiers et la CNIL, les documents administratifs et la CADA, les
interceptions de sécurité et la CNCIS, le secret de la défense nationale et la
CNCSDN. Cette prudence, dont il est coutumier en présence d’évolutions
techniques importantes et rapides, est sage : elle apporte une solution précise à une question donnée. Elle a aussi un coût : une législation qui manque
de souffle et souvent de cohérence ; un éparpillement des règles, fâcheux
en période de... convergence de leurs objets.
C’est ce qui se produit aujourd’hui. Notre droit du secret est à refaire,
dans tous les domaines. Chaque jour montre que nous ne savons plus où
devrait passer la frontière entre la confidentialité et la publicité, tant les attentes sociales sont devenues contradictoires. Des informations qu’il aurait
fallu légalement taire, sont constamment – et le plus souvent, impunément –
portées sur la place publique, tandis que sont cachées d’autres qu’il aurait
fallu publier.
C’est peut-être autour de la notion de « donnée » (très présente dans
le droit de l’informatique) qu’une œuvre de reconstruction, assurément difficile, pourrait être envisagée. Le statut des données, les règles applicables à
leur détention, leur circulation, leur stockage... et leur éventuelle interception, pourrait donner l’occasion de dépasser ou de repenser la distinction
communication/correspondance. Exemple parmi d’autres, cela permettrait
de préciser la protection des données liées à la vie privée (ou professionnelle) qui, n’étant pas des messages, ne peuvent être analysées comme de
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