Contributions

Les écoutes téléphoniques,
Michel ROCARD, ancien Premier ministre

Les écoutes téléphoniques.... L’expression est réductrice, je le sais, et
le champ couvert par les techniques modernes aussi bien que la loi obligent
à parler d’interceptions de sécurité. Reste qu’« écoutes téléphoniques »,
cela sonne plus simple et correspond plus précisément à ce que tout un chacun a dans la tête. Comme tout le monde je n’aimais guère cet usage. Mais, à
la différence peut-être de « tout le monde » j’ai eu beaucoup affaire à lui.
Personne ne nie bien sûr qu’il faille écouter les criminels repérés. Mais
l’extension de cette pratique à d’autres fins disqualifiait à mes yeux un gouvernement qui se prétendait par ailleurs respectueux des droits de
l’homme.
Je me souvenais par exemple, avec un peu d’admiration, des conditions dans lesquelles vers le milieu des années 60, mon vieil ami Pierre Mauroy, secrétaire général du PS de ce temps appelé SFIO, donc dauphin de
Guy Mollet, rompit avec ce dernier, démissionna de ses fonctions professionnelles parisiennes, quitta son appartement de banlieue parisienne, et
retourna esseulé dans son département d’origine le Nord où il n’avait plus ni
parents ni maison ni mandat. Il a recommencé là sa seconde carrière à zéro.
La raison de cette courageuse rupture est l’indignation qui l’a saisi lorsque
Guy Mollet, pour le convaincre de combattre Gaston Defferre, lui montra
des procès verbaux d’écoutes téléphoniques faisant état, avec la faconde
que l’on connaît à ce dernier, des intentions peu fraternelles qu’il nourrissait.
Guy Mollet se faisait toujours adresser les écoutes dix ans après avoir quitté
le pouvoir ! Mauroy ne le lui a jamais pardonné.

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