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points de ressemblance avec la DGSE) et le Royaume Uni soient aujourd’hui plus
ouverts qu’hier à ces perspectives.
De même, l’intensité de l’agressivité à l’égard de notre pays est à
souligner. À titre d’illustration, si l’on en croit les documents publiés et repris par
Le Monde, « sur une période de trente jours, du 10 décembre 2012 au 8 janvier
2013, 70,3 millions d’enregistrements de données téléphoniques des Français
auraient été effectués par la NSA139 », alors que pour la même période le volume
serait de 60 millions pour l’Espagne et 47 pour l’Italie140. Toutefois, la « France
n’est pas le pays où la NSA intercepte le plus de connexions numériques ou
téléphoniques »141 puisqu’elle est devancée par l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Au-delà d’un éventuel débat sur la véracité de ces chiffres, il reste que
l’interprétation qu’ils ont induite est sujette à caution. Toutefois, le fait que la
France soit une cible pour les États-Unis ne constitue pas une absolue nouveauté.
Cela n’a d’ailleurs jamais interdit l’élaboration de coopérations fructueuses sur des
objectifs communs. Comme l’écrit Vincent Nouzille, « entre Paris et Washington,
le cycle de la passion se renouvelle sans cesse. Mais nul n’a intérêt aux
débordements outranciers ni aux brouilles définitives »142… Reste qu’apprendre
que la NSA cible ses alliés et ses adversaires avec le même niveau d’intensité
opérationnelle, et que son espionnage a pris des dimensions industrielles constitue
un accroc notable dans nos relations avec ce pays. Un tel comportement rappelle –
sans doute utilement – que les États-Unis n’ont en réalité ni amis, ni alliés et qu’ils
ne conçoivent leurs relations qu’en termes de vassalité ou d’intérêts.
Mais d’autres leçons présentent un aspect nettement plus négatif.
Ainsi nos adversaires, au premier rang desquels figurent les groupes
terroristes, renseignés par les publications d’Edward Snowden, ont
considérablement rehaussé le niveau de protection de leurs échanges. Comme
certaines méthodes et technologies sont maintenant connues, il est plus aisé de les
annihiler par une augmentation des capacités de chiffrement. Le paradoxe est donc
terrible : en prétendant protéger les libertés publiques par la révélation des
documents de la NSA, Edward Snowden est en réalité un « idiot utile » au service
des groupes terroristes. Alors que le péril croit, le renseignement technique pratiqué
par nos services est sans doute devenu – pour un temps souhaitons-le – un peu
moins efficace.
Pour les citoyens, les révélations ont eu un indéniable effet anxiogène.
Beaucoup sont persuadés que toutes leurs communications sont écoutées, que leurs
139
MM. Jacques Follorou et Glenn Greenwald, « Comment la NSA espionne la France », Le Monde, 21 octobre
2013.
140
Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité, op. cit., p. 150.
141
MM. Jacques Follorou et Glenn Greenwald, loc. cit.
142
M. Vincent Nouzille, Les dossiers de la CIA sur la France 1981-2010, Dans le secret des présidents, t. II,
Paris, Librairie Arthème Fayard/Pluriel, 2012, p. 23.