Observations sur les motifs légaux d’interception
Cette « entreprise », selon la circulaire susvisée qui reprend les interventions du garde des Sceaux à l’Assemblée nationale, (JO du 8 août 1986,
page 4125) et au Sénat (JO du 8 août 1986, pages 3795 et 3796), suppose
« l’existence d’un dessein formé ou d’un plan concerté se traduisant par des
efforts coordonnés en vue de l’objectif à atteindre. La notion d’entreprise
exclut l’improvisation ; elle suppose des préparatifs et un minimum d’organisation (établissement d’un plan d’action, rassemblement de moyens
matériels, mise en place d’un dispositif de repli, rédaction de communiqué
de revendication) ».
À cet égard, un certain nombre d’actes relevant de l’expression politique violente pourraient répondre à cette définition comme l’organisation
d’incidents en fin de manifestions, le démontage ou le sac symboliques de
locaux publics ou privés.
Toutefois, pour recevoir la qualification de terroristes, ces actes doivent avoir été commis avec la volonté de troubler gravement l’ordre public
par l’intimidation ou la terreur, la gravité du trouble consistant dans la peur
collective que l’on cherche à répandre dans la population ou partie de
celle-ci en brisant sa résistance afin de promouvoir une cause ou faciliter le
succès d’une revendication.
On voit donc que n’importe quelle action d’expression ou de revendication politique, ou syndicale violente et susceptible de troubler l’ordre
public, ne saurait être qualifiée de terroriste.
L’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 dit que les interceptions de sécurité peuvent être consenties pour la « prévention du terrorisme ». Les interceptions vont donc se situer en amont du passage à l’acte afin d’en
empêcher la commission.
Tout l’enjeu est là : autoriser la surveillance ciblée des individus les
plus radicalisés afin de détecter à temps par exemple une dérive de type
« brigadiste » sans entrer pour autant dans une police de la pensée. Caractériser une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en accumulant les indices sur la logistique mise en place (réseaux de
financement fondés sur le don plus ou moins librement consenti, l’exploitation de commerces ne respectant pas la législation du travail, voire le crime
organisé ; réseaux d’hébergement clandestin, d’infiltration ou d’exfiltration ; caches d’armes) avant que celle-ci ne soit activée pour planifier un ou
plusieurs attentats qui, s’ils étaient commis, seraient mis au passif d’autorités publiques imprévoyantes ou angéliques. Autoriser la surveillance de terreaux ciblés sur lesquels la pensée terroriste peut éclore (dérive
communautariste à caractère sectaire et vindicatif, endoctrinement de
mineurs) sans porter atteinte à la liberté d’opinion telle que protégée par les
articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789.
On le voit ; la frontière est mince mais, s’agissant de certains mouvements tels que ceux énumérés par la décision du Conseil de l’Union européenne du 2 avril 2004, l’exemple des attentats récents à travers le monde
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