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Mme Nathalie Goulet, co-présidente. – … Ce n’est pas du tout le
cas. Pour nous Internet n’est qu’un élément parmi d’autres et non pas l’élément
principal en tant que tel.
M. Jérémie Zimmermann. – Je n’ai pas cette impression lorsque
j’écoute les déclarations politiques récentes, mais je vous accorde le bénéfice du
doute.
Internet fait office de parfait bouc émissaire. Nous avons aujourd’hui
un arsenal législatif issu d’un empilement de lois qui n’a pourtant pas permis
d’arrêter les tueurs. La CNCDH l’a affirmé : l’empilement des lois liberticides
encadrant Internet est un échec. Pour profiter de l’hystérisation du débat public,
l’on va maintenant assister à un amalgame entre le terrorisme et la diffusion de
propos de haine. Nous nous attendons à d’autres lois portant atteinte aux
libertés fondamentales.
En réalité, il existe différents cas. D’abord, les djihadistes pas trop
bêtes savent déjà qu’Internet et le téléphone mobile sont tracés et ne les utilisent
pas. Certains échappent au suivi grâce à l’anonymisation et au chiffrement : on
pressent d’ailleurs une initiative règlementaire contre ces techniques.
Rappelons-nous les propos du PDG de Google : seuls les criminels se soucient
de protéger leurs données personnelles. On évoque donc le « dark web »
comme un espace sombre et dangereux alors qu’il est utilisé par des millions de
dissidents à travers le monde ! En réalité il n’existe pas de dark web. Deux
ordinateurs qui dialoguent ensemble sans intermédiaire, c’est en réalité la
définition d’Internet. Évidemment, pour Google, Internet c’est plutôt : tout ce
que Google peut aspirer et donner à la NSA.
Restent les djihadistes qui interviennent sans se cacher sur les sites.
Le réflexe du Gouvernement, c’est alors le fait de donner au ministre de
l’Intérieur la faculté de dire qui il faut censurer. J’ai l’intime conviction que cette
manière d’agir est contreproductive. Ces sites sont en effet une mine d’or pour
les services d’enquête et de renseignement. Les censurer aboutira seulement à
rendre ces djihadistes plus intelligents en les forçant à contourner la censure.
Outre les sites qui seront censurés, les terroristes vont aussi sur les
plateformes des réseaux sociaux. Le premier réflexe : la surveillance de masse,
déjà pratiquée en France sous le couvert de ce vocable hypocrite de « a-légal ».
Or une telle surveillance de masse est dénoncée par le Conseil de l’Europe et
profondément attentatoire aux libertés. La tentation existe également de confier
à Google et Twitter des missions de police. On transformerait ces acteurs en une
milice privée. Ils détecteraient automatiquement des mots-clés et des
comportements.
Tout ceci me semble faire le jeu des djihadistes en détricotant les
normes fondamentales.
En conclusion, si l’on souhaite vraiment s’attaquer aux causes de ce
problème, il faut non seulement s’intéresser à l’école, à la prison, à la banlieue,
mais aussi à la surveillance massive qui n’est jamais justifiée. C’est en faisant

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