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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
Ce n’est qu’à partir de 1980, après l’invasion de l’Afghanistan et
sous l’influence active des pétromonarchies du Golfe, que ce type de Djihad
commence à être invoqué pour désigner une guerre planétaire pour la
sauvegarde de l’Islam. Comme l’explique Gilles Kepel dans l’article précité,
la période récente (depuis 1990) est ainsi marquée par une sorte de
« prolifération » des Djihad, l’utilisation du mot s’éloignant de sa
signification originelle.
En toute état de cause, que l’on considère que ce terme renvoie à un
effort personnel vers la perfection spirituelle ou à une guerre de défense de
la terre l’Islam, il est certain que l’on assiste à un véritable dévoiement de ses
significations premières lorsqu’il est utilisé par des combattants rejoignant
des groupes terroristes dont les motivations sont incompatibles avec ce que
la grande majorité des autorités musulmanes reconnues considèrent comme
légitime. Toutefois, ce terme étant désormais passé dans le langage courant
et s’étant imposé davantage qu’ « islamique ou islamiste » pour qualifier les
phénomènes dits de radicalisation - et cela particulièrement sous sa forme
suffixée de « djihadisme », votre rapporteur continuera à l’utiliser même s’il
doit être clairement affirmé que ce qu’on appellera ici « djihadisme » est très
éloigné des conceptions traditionnelles et premières du « Djihad ».
Enfin, il faut noter que dans son récent rapport rédigé pour la
fondation d’aide aux victimes du terrorisme 1, Pierre Conesa utilise
l’expression de « mouvance radicale salafiste » voire de « salafisme
jihadiste », estimant que le principal terreau du radicalisme est ce
mouvement politico-religieux à tendance totalitaire que constitue selon lui le
salafisme, né en Arabie Saoudite et qui se caractérise par l’interdiction de
toute interprétation du Coran. D’autres spécialistes entendus par votre
commission d’enquête ont toutefois insisté fortement sur les différences
entre le salafisme et le radicalisme, en arguant du fait que le premier prend
volontiers une forme quiétiste et totalement a politique, ce pour quoi ce
terme de « salafisme » sera employé ici avec précaution.
Enfin, une autre notion fréquemment employée dans les médias et
par la plupart de nos partenaires européens mérite quelque explication : il
s’agit de la « déradicalisation ». Employé d’abord aux États-Unis et dans
certains pays du Moyen-Orient, et depuis plusieurs années, par nos
partenaires européens et par les instances communautaires, ce terme,
désormais abondamment utilisé en France, recouvre une grande diversité de
significations. Il convient d’abord sans doute de distinguer la
déradicalisation du désengagement.
Pierre Conesa, Quelle politique de contre-radicalisation en France ?, Rapport fait pour la
fondation d’aide aux victimes du terrorisme, décembre 2014.
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