Rappelons d’emblée que, contrairement à ce que considère le ministre, le sens de
l’expression « informations et documents » dans le code de la sécurité intérieure n’est
pas dépourvu d’ambiguïté, dans la mesure où elle fait l’objet d’une question prioritaire
de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État le 5 juin 2015 (QPC no 2015-478).
La lecture des débats au Sénat montre en réalité le caractère extrêmement équivoque
de la notion. La volonté des parlementaires, qui se rangent aux avis exprimés par le rapporteur et par le Gouvernement, devient alors explicite : la formule « informations et
documents » vise explicitement « non seulement des données de connexion, mais également d’autres éléments » selon le rapporteur, qui précise bien que la formule ne couvre
« pas seulement les données de connexion », et le ministre de se défausser en prétextant
que la formule « renvoie à des données précisément définies dans des textes réglementaires ».
Ainsi, il apparaît que le gouvernement et le législateur sont en réalité incapables de
fournir une définition précise, ni une liste exhaustive des catégories de données correspondant à la notion « informations ou documents ». Ce faisant, le législateur a entièrement
abandonné son obligation de limiter le champ des dispositions concernées, laissant ce rôle
au pouvoir réglementaire.
5.1.2. L’absence de définition législative des « informations ou
documents » concernés
Au regard de son caractère équivoque, l’inintelligibilité et l’inaccessibilité de la formule
choisie par le législateur sont manifestes à deux titres : premièrement, le législateur en
renvoie au pouvoir réglementaire la définition alors que la Constitution la lui attribuait ;
secondement, le législateur l’emploie par référence à d’autres dispositions légales ellesmêmes inintelligibles.
5.1.2.1.
Le renoncement du législateur à définir clairement la notion d’« informations ou documents »
Comme démontré à la section 5.1.1 page 33, la nature technique des « informations ou
documents » visés à l’article L. 851-1 du CSI est particulièrement équivoque, le législateur
ayant explicitement refusé, à la vue des débats parlementaires, de délimiter cette notion
par des critères objectifs, en suivant l’avis du Gouvernement lorsque son ministre, prétextant que « l’expression « informations et documents » [...] ne suscite plus d’ambiguïté
aujourd’hui et renvoie à des données précisément définies dans des textes réglementaires »,
l’invitait à laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir cette notion.
En effet, les « informations ou documents » visés à l’ancien article L. 246-1 du CSI,
repris par l’article L. 851-1, sont définis par le pouvoir réglementaire à l’article R. 246-1
du même code, par renvoi aux « articles R. 10-13 et R. 10-14 du code des postes et des
communications électroniques et à l’article 1er du décret no 2011-219 du 25 février 2011 »
qui définissent respectivement les informations que les opérateurs doivent et peuvent
conserver au titre de l’article L. 34-1 du CPCE et celles que les fournisseurs d’accès à
Internet et les hébergeurs doivent conserver au titre de l’article 6, II, de la loi du 21 juin
2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
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