11.3.2. La justice pénale entravée par le secret
À cette rupture d’égalité, s’ajoute le fait que lorsque le Conseil d’État constate une
illégalité, l’article L. 773-7 alinéa 3 ne prévoit aucune transparence :
« Lorsque la formation de jugement estime que l’illégalité constatée est susceptible de
constituer une infraction, elle en avise le procureur de la République et transmet l’ensemble des éléments du dossier au vu duquel elle a statué à la Commission consultative
du secret de la défense nationale afin que celle-ci donne au Premier ministre son avis sur
la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en vue de leur transmission
au procureur de la République ».
Or, en France, la déclassification de documents reste une prérogative exclusivement
gouvernementale. Même lorsque la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisie par le Conseil d’État, se déclarera favorable à la déclassification en vue
de faire la transparence sur les situations d’illégalité constatées et permettre ainsi des
poursuites pénales, le Premier ministre, à la fois juge et partie, pourra s’y opposer.
En conclusion,
Il ressort des développements de la présente section que les dispositions des articles
L. 773-1 et suivants du code de justice administrative portent atteinte de manière disproportionnée au principe de l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant
l’équilibre des droits des parties.
Pour assurer a minima le respect des droits de la défense, le législateur aurait dû
octroyer au Conseil d’État un pouvoir de déclassification des documents secret-défense
soumis par l’administration au cours de la procédure dès lors qu’il estime que le secret
n’est pas justifié, afin que ces pièces puissent être transmises au requérant ou, le cas
échéant, au procureur. Dans tous les cas, les audiences en huis clos prévues par l’article
L. 773-4 apparaissent contraires à l’équité du procès.
Faute de réserves d’interprétation à cet effet, les dispositions concernées devront être
censurées ainsi que l’essentiel des pouvoirs octroyés à l’administration, puisque ces derniers ne pourront alors plus faire l’objet de recours contentieux. Dans un tel cas, il appartiendrait au législateur d’adopter un nouveau texte pour s’assurer que les dispositions
du code de la sécurité intérieure dans le champ du renseignement, et en particulier la
procédure contentieuse prévue en la matière, respectent pleinement les droits et libertés
constitutionnellement garantis.
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