2. De l’affaire Snowden à la loi française
sur le renseignement
Depuis le mois de juin 2013, les révélations sur les pratiques de surveillance des services
de renseignement de la National Security Agency américaine (NSA) et de ses partenaires
internationaux 1 suscitent une large controverse au niveau mondial. Il s’ensuit des débats
juridiques nombreux et complexes sur l’illégalité de ces pratiques d’exception dans l’État
de droit et leur compatibilité avec le principe même de démocratie. Plusieurs décisions
majeures ont d’ailleurs été rendues ces derniers mois par des juridictions nationales ou
internationales pour réformer le cadre applicable aux politiques de sécurité dans un sens
plus protecteur des droits et libertés.
C’est dans ce contexte historique déterminant que la loi sur le renseignement, aujourd’hui déférée devant le Conseil constitutionnel, a été adoptée par le Parlement.
En France, les services de renseignement n’ont jamais disposé d’un cadre juridique
adapté. Cette situation a permis leur développement en toute opacité et dans l’illégalité.
Personne ne conteste qu’une loi définissant et encradrant le renseignement était donc
nécessaire. Cependant, après les attentats de Paris, en janvier dernier, le Gouvernement a
fait du projet de loi sur le renseignement sa principale réponse politique à ces événements
tragiques, arguant de la lutte contre le terrorisme pour procéder à un élargissement sans
précédent des compétences et outils octroyés aux services de renseignement, bien au-delà
de la seule question terroriste. Sans même ouvrir de véritable débat sur les failles du
dispositif français en la matière, le Gouvernement s’est ainsi livré à une opération de
blanchiment législatif des illégalités existantes, tandis que l’argument de l’urgence et le
choix de la procédure accélérée contribuaient à inhiber le débat public.
Les quelques garanties et mécanismes de contrôle inscrits dans le texte ne suffisent
guère à assurer le droit à la sûreté, le droit au respect de la vie privée et la liberté de
communication. En dépit des nombreuses critiques émanant d’organisations de défense
des droits dans l’environnement numérique, des organisations internationales de défense
des droits de l’Homme, de syndicats de juges, d’avocats, de journalistes, de policiers,
d’associations de victimes de terrorisme, d’associations de travailleurs sociaux et d’acteurs
du numérique ; en dépit des dénonciations de la CNIL, de la CNCDH, mais aussi du
commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe ou des rapporteurs de l’ONU
1. Inter alia le Government Communications Headquarters britannique (GCHQ), la Direction générale de la sécurité extérieure française (DGSE) et le Bundesnachrichtendienst allemand (BND).

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