secrets roumains. Ce dernier avait révélé à l’occasion d’une conférence de presse des
informations classifiées « ultra-secret » (enregistrement audio notamment) démontrant
la mise sur écoute arbitraire de journalistes, de personnalités politiques et d’hommes
d’affaires. Dans sa décision, les juges rappellent qu’« il n’appartient pas à la Cour de se
substituer aux États parties à la Convention dans la définition de leurs intérêts nationaux,
domaine qui relève traditionnellement du noyau dur de la souveraineté étatique ». Ils
soulignent néanmoins la nécessité de permettre que les « abus » liés aux activités de
surveillance secrète puissent être divulgués au public :
« (...) la Cour estime que les informations divulguées par le requérant avaient un rapport
avec des abus commis par des fonctionnaires de haut rang et avec les fondements
démocratiques de l’État. Il ne fait désormais aucun doute qu’il s’agit là de questions très
importantes relevant du débat politique dans une société démocratique, dont l’opinion
publique a un intérêt légitime à être informée ».
(CEDH, 8 janvier 2013, Bucur et Toma c. Roumanie, no 40238/02, §103).

11.1.1.2.

Principes mondiaux sur la sécurité nationale et le droit à l’information

En 2013, sous l’égide de l’Open Society Justice Initiative, une équipe d’experts internationaux a travaillé à l’élaboration de principes détaillés permettant de trouver un juste
équilibre entre le recours légitime au secret d’État et la garantie du droit à l’information 1 .
Dix-sept organismes, dont de nombreuses ONG et des centres de recherche en droit, et
plus de 500 experts issus des quatre continents ont participé à leur rédaction. Publiés au
printemps 2013, ils ont à ce titre vocation à faire consensus. La recommandation 2014(7)
du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des lanceurs d’alerte y
fait d’ailleurs référence 2 .
Le constat sur lequel se fondent ces principes est celui d’un droit gravement lacunaire : « le droit international fait preuve d’une considérable déférence à l’égard des
décisions des gouvernements nationaux au sujet des mesures nécessaires à la protection
de la sécurité nationale ». Or, la « sur-invocation de risques pour la sécurité nationale
peut sérieusement remettre en cause les principaux garde-fous institutionnels contre les
abus : l’indépendance de la justice, l’État de droit, le contrôle du législateur, la liberté de
la presse, un gouvernement transparent ». Plusieurs principes regroupés dans la partie
relative à la « divulgation d’intérêt public par le personnel public » 3 proposent de remédier à ces lacunes en apportant une protection pleine et entière aux lanceurs d’alerte.
Le principe 37 rappelle ainsi la nécessité d’assurer une protection des lanceurs d’alerte
pour la dénonciation d’un champ très large d’abus et autres « méfaits » dont ils seraient
témoins et que « la loi doit protéger des représailles les personnels publics qui divulguent
des informations mettant des méfaits en évidence, que lesdites informations soient classifiées, confidentielles ou non ». Une telle protection doit être assurée à la fois dans le
1. Principes mondiaux sur la sécurité nationale et le droit à l’information (principes de Tschwane),
Open Society Foundations, 12 juin 2013. Disponible à l’adresse : http://www.opensocietyfoundations.
org/publications/global-principles-national-security-and-right-information-tshwaneprinciples/fr.
2. Comité des ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM/Rec(2014)7 sur la protection des lanceurs d’alerte, Strasbourg, p. 29. Disponible à l’adresse : https://www.coe.int/t/dghl/
standardsetting/cdcj/CDCJ%20Recommendations/CMRec%282014%297F.pdf.
3. Idem, p. 57.

105

Select target paragraph3