CNIL 27e RAPPORT D’ACTIVITÉ 2006
Les enquêtes fondées
sur la consonance des
patronymes
Au cours de l’année 2006, la Commission s’est
prononcée sur deux dossiers portant sur la mesure de la
diversité. Il s’agit des traitements du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et
de l’Institut national des études démographiques (INED) qui ont fondé leur méthodologie d’enquête
sur la consonance des patronymes. Si cette méthode,
consistant à mettre en corrélation un patronyme et une
nation ou une ethnie, reste peu fiable de façon générale
(notamment pour les originaires des DOM-TOM, en cas
de mariages mixtes ou en cas de francisation des noms),
elle est employée au service de finalités bien précises.
C’est à la lumière de l’analyse de cette finalité que la
CNIL a pris ses décisions.
Quelles étaient les finalités des traitements de ces deux
organismes ? Pour le CRIF, il s’agissait de constituer
une liste des personnes supposées appartenir à la
communauté juive, donc à une communauté religieuse,
afin de « mesurer, objectiver et analyser l’état de son
opinion en France ». Pour l’INED, l’objectif de l’enquête
était d’analyser l’intégration des descendants d’immigrés
marocains et turcs, le critère étant donc la nationalité des
personnes cibles.
Le CRIF
La CNIL s’est opposée au traitement du CRIF à deux
reprises. Dans sa délibération du 2 février 2006, la
Commission a considéré que l’obstacle réside dans « la
constitution de l’échantillon des personnes à interroger qui
repose uniquement sur un tri sur la consonance de leur
nom et que ce tri a pour objet même de faire apparaître
l’appartenance, réelle ou supposée, des intéressés à la
communauté juive ». Par ailleurs, la Commission a estimé
que « le postulat selon lequel les personnes ayant un nom
figurant dans le Guide des patronymes juifs appartiennent
à la communauté juive «est contestable et souligne les
risques liés à une sélection de ce type» ». Elle a donc
considéré que « le traitement de données ne répondait pas
aux conditions posées par l’article 6 de la loi aux termes
duquel les données doivent être «adéquates, pertinentes et
non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles
sont collectées», d’autant que les objectifs poursuivis par
l’enquête, dont la légitimité n’est pas en cause,
semblent pouvoir être atteints en modifiant la méthode de
constitution de l’échantillon des personnes à interroger ».
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L’INED
Quant à l’enquête de l’INED, sa mise en œuvre a été
autorisée par la délibération du 27 juin 2006 sur la base
de l’exception relevant de l’article 8-IV de la loi informatique et libertés. En effet, la Commission a considéré
que « l’enquête envisagée par l’INED est justifiée par
l’intérêt public dans la mesure où elle doit permettre de
mesurer l’intégration des secondes générations turques et
marocaines et contribuer à remédier ainsi à l’insuffisance
actuelle de données statistiques dont souhaitent disposer
les pouvoirs publics pour définir et mettre en œuvre des
politiques en matière d’intégration à l’attention de ces
populations, tant au niveau national qu’européen ».
La Commission a également pris acte que le consentement
écrit des personnes enquêtées serait recueilli.