Les interventions de la CNIL

Une précaution minimale à l’heure des technologies de l’information : la suppression du nom des parties dans les jugements
et arrêts rendus librement accessibles sur Internet
Le souci du juste équilibre ne saurait conduire à préconiser d’ôter tout caractère indirectement nominatif, au sens de l’article 4 de la loi du 6 janvier
1978, aux décisions de justice. Une telle orientation serait tout à fait disproportionnée, susceptible de nuire à la lecture de la décision ou contraindrait
dans bien des cas à ne pas diffuser telle ou telle décision au motif que sa lecture seule permettrait d’identifier les parties en cause. Elle serait, par nature,
contraire à la finalité légitime poursuivie par les juridictions ou les éditeurs
de jurisprudence consistant à offrir un outil documentaire le plus complet et
le plus accessible possible.
Ce même souci de l’équilibre ne serait pas atteint si le nom et l’adresse des
personnes ayant été, d’initiative ou malgré elles, parties à un procès, continuaient à figurer sur les décisions de justice librement accessibles sur Internet, le plus souvent d’ailleurs sans qu’elles en aient conscience et sans
qu’elles en pèsent les incidences.
Aussi, le nom et l’adresse des parties devraient-ils être occultés dans les jugements et arrêts diffusées sur des sites Web en accès libre, à l’initiative du diffuseur et sans que les personnes concernées aient à accomplir de démarche
particulière.
Une telle préconisation ne paraît pas de nature à compromettre la recherche
documentaire dans une proportion excessive au regard des intérêts en
cause.
En effet, les facilités de recherche d’Internet permettent désormais très aisément à toute personne intéressée par la jurisprudence ou telle décision en
particulier, de se connecter à un site spécialisé et de retrouver, par critères
croisés, l’information pertinente. L’identification de la juridiction, la date de
la décision, les articles de loi en cause, ou n’importe quel mot clé du texte intégral, constituent autant de critères de recherche efficaces. Aussi, plusieurs
pays de l’Union européenne (Allemagne, Pays-Bas, Portugal) ont-ils déjà mis
en œuvre une mesure d’anonymisation générale des décisions de justice publiées sur Internet. De même, la Commission de la vie privée belge a fait des
propositions en ce sens au gouvernement belge.
Anonymiser quoi ?
Le nom et l’adresse des parties et des témoins, dans tous les jugements et arrêts librement accessibles sur Internet, quels que soient l’ordre ou le degré de
la juridiction et la nature du contentieux, mais cela seulement.
Le principe de responsabilité morale et professionnelle conduit à considérer
qu’il n’y a pas lieu, en tout cas au motif de la vie privée des professionnels
concernés, d’occulter l’identité des magistrats ou membres des juridictions,
ni celle des auxiliaires de justice ou experts, même si le risque de constitutions de « profils » de juges ou d’avocats à partir des décisions de justice publiées ne peut être exclu. Le risque qui s’attache à la numérisation ne paraît
cependant pas supérieur à celui des circonstances qui forgent une réputation
et sur lesquelles la CNIL ne dispose pas de moyens d’action particuliers.
En revanche, les témoins devraient bénéficier de la mesure préconisée pour
les parties.
Enfin, la protection des personnes morales ne relevant pas des attributions
de la CNIL, il ne lui appartient pas de se prononcer sur ce point.

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CNIL 22 rapport d'activité 2001

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