la faculté que lui offrait la loi d’émettre des recommandations
de « déclassification partielle ».
Lorsqu’elle se trouvait en présence d’un document classifié,
émanant de l’un des services secrets, et contenant des informations utiles à la justice, mais aussi des éléments permettant
d’identifier certains agents, ou de pénétrer les méthodes de
travail ou l’organisation du service, la Commission n’a pas
craint de se livrer à un travail minutieux de « découpage » afin
de recommander au ministre de livrer au magistrat tout ce qui
pouvait l’intéresser, mais seulement cela. Par exemple, les
en-têtes, les noms ou les pseudos d’agents secrets, les orgaoigrammes, étaient occultés et tout le reste, c’est-à-dire l’essentiel, était déclassifié.
Ce travail « sur mesure » peut être d’autant plus efficace que le
magistrat aura fourni une motivation détaillée de sa demande
de déclassification, respectant ainsi la lettre et l’esprit de l’obligation contenue à l’article 4 de la loi de 1998.
Au terme de six années d’exercice, la Commission arrive à la
conclusion que de nos jours, en France, la raison d’État ne
prédomine pas nécessairement. Il ne suffit plus de l’invoquer
pour que tout s’efface devant elle. Dans la mesure où ils
n’entrent pas en conflit avec un « noyau dur » dont le périmètre est à déterminer au cas par cas, d’autres intérêts que
ceux de l’État peuvent l’emporter, qu’ils soient ceux d’un individu ou ceux d’un groupe.
Ces intérêts coexistent avec l’intérêt supérieur de l’État, et en
cas de conflit, la solution n’est pas donnée d’avance. Il appartient alors à l’autorité politique, dont la source réside dans la
légitimité démocratique, de peser chaque fois, dans ses balances, le pour et le contre, avant de décider. Dans le domaine du
secret de la défense nationale, le pouvoir politique – le
ministre – n’est plus seul. Il est assisté d’une commission très
restreinte, quoique composée de façon pluraliste, et parfaitement indépendante.
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