Livre blanc de la sécurité intérieure
Les nouvelles technologies ont profondément bouleversé notre existence. La
diffusion de la connaissance et la recherche de l’information sont désormais
accessibles sans cadre exclusif. Les lieux traditionnels d’acquisition des
connaissances offraient un cadre d’apprentissage et de développement de
l’intelligence critique. Si Internet a le mérite d’offrir un accès facile à une
information en grande quantité, il ne propose pas ce cadre d’apprentissage
essentiel. Ainsi, l’intermédiation pour accéder à la connaissance n’est plus
nécessaire, voire même remise en cause.
Nombre d’événements de l’histoire récente (« gilets jaunes », incendie
de l’usine Lubrizol, COVID-19) confirment la tendance observée d’une
diffusion de la suspicion de la population(7) face à l’information « officielle »
et « institutionnelle ». Cette tendance peut être rapprochée de la
crise qui affecte plus généralement les élites (politiques, économiques,
médiatiques…). Ce discrédit est particulièrement sensible dans le monde
de l’information, alors que des canaux parallèles, alternatifs, se constituent
et s’offrent au plus grand nombre sans être soumis à des exigences de
rigueur, de contrôle et de transparence.
Par conséquent, le poids de la parole publique s’est amoindri et fait l’objet
d’une remise en cause profonde. Cette dynamique a des conséquences
préoccupantes pour la communication et l’action de l’État. Celui-ci peut
être entravé et remis en cause dans la réponse aux crises, qui nécessitent
d’agir vite, et dans ses missions permanentes. Il est ainsi conduit à intégrer
d’emblée le risque informationnel dans son action au quotidien.
Ce phénomène est accentué par le caractère international, transfrontalier
d’Internet, qui affaiblit le poids des régulations nationales avec un risque
de transfert du pouvoir normatif à des acteurs privés et/ou étrangers.
Internet a considérablement changé le rapport aux institutions. Cette
« désinstitutionnalisation » de la société, accentuée par le numérique,
est également nourrie d’une méconnaissance du fonctionnement des
institutions qui incarnent l’autorité : rôle du préfet, missions des forces
de l’ordre. C’est un constat quasiment unanime formulé par les citoyens
réunis lors de la conférence organisée en janvier 2020(8). Ainsi, les citoyens
réunis au sein de l’atelier « comment les citoyens et les forces de sécurité
intérieure peuvent-ils lutter ensemble contre les incivilités ? » le disent :
« nous constatons aussi notre méconnaissance des forces de sécurité
intérieure et de leur rôle au quotidien. Nous les connaissons mal et avons
tendance à ne retenir que les aspects négatifs, qui nous sont relatés à travers
les médias et les réseaux sociaux ».
La numérisation de la société française s’inscrit dans un mouvement
historique que le ministère de l’Intérieur doit intégrer et accompagner.
7
Cf. enquête sur les phénomènes de complotisme, IFOP Fondation Jean Jaurès,
Conspiracy Watch, Enquête sur le complotisme, février 2019 : 28% des 18-24 ans adhèrent à
cinq théories du complot ou plus (contre seulement 9% des 65 ans et plus).
8
Conférence de citoyens, réunissant 107 citoyens au ministère de l’Intérieur en
janvier 2020. Au terme des trois journées de travail, ils ont émis des propositions sur le
thème des « relations entre la population et les forces de sécurité intérieure » - cf. annexe
méthodologique.
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