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L’accessibilité tient essentiellement à la publicité de la règle80, la possibilité
de surveiller secrètement une personne ne signifiant pas que la base légale
de la surveillance puisse elle-même être secrète. La CEDH relève désormais
fréquemment le fait que les textes applicables en matière de renseignement
sont disponibles en ligne81. Elle a admis, tout en la regrettant, une publication
dans un bulletin ministériel diffusé uniquement par abonnement, dès lors
qu’une base juridique en ligne, bien que privée, permettait au grand public
d’accéder aux dispositions concernées82.
La prévisibilité, en matière de renseignement, prend un sens particulier. La
CEDH a ainsi jugé que « dans le contexte particulier des mesures de
surveillance secrète, telle l’interception de communications, la prévisibilité
ne saurait signifier qu’un individu doit se trouver à même de prévoir
quand les autorités sont susceptibles d’intercepter ses communications de
manière qu’il puisse adapter sa conduite en conséquence ». En revanche,
« la loi doit être rédigée avec suffisamment de clarté pour indiquer à tous
de manière adéquate en quelles circonstances et sous quelles conditions
elle habilite la puissance publique à prendre pareilles mesures secrètes »83.
Est, à cet égard, suffisamment claire une loi qui se réfère, sans le détailler, au
concept de sécurité nationale pour fonder des mesures de surveillance, dès
lors que le texte même de la convention mentionne ce concept et que « par
la force des choses, des menaces dirigées contre la sécurité nationale
peuvent être de différentes natures et peuvent être imprévues et difficiles
à définir à l’avance »84. De même, lorsque la loi prévoit le recours à des
80 - Voir l’arrêt de la CEDH du 26 mars 1987, n° 9248/81, affaire Leander contre Suède, notamment le paragraphe
n° 54.
81 - Voir l’arrêt de la CEDH du 18 mai 2010, n° 26839/05, affaire Kennedy contre Royaume-Uni, notamment le
paragraphe n° 157.
82 - Voir l’arrêt de la CEDH du 4 décembre 2015, n° 47143/06, affaire Roman Zakharov contre Russie, notamment
le paragraphe n° 242.
83 - Voir l’arrêt de la CEDH du 4 décembre 2015, n° 47143/06, affaire Roman Zakharov contre Russie, notamment
le paragraphe n° 229.
84 - Voir l’arrêt de la CEDH du 18 mai 2010, n° 26839/05, affaire Kennedy contre Royaume-Uni, notamment le
paragraphe n° 159. La CEDH examine toutefois la manière dont la notion est généralement interprétée en droit
national. Elle a ainsi critiqué « la possibilité d’intercepter les communications, téléphoniques ou autres, après
réception d’informations sur des faits ou activités qui mettent en péril la sécurité nationale, militaire, économique
ou écologique de la Russie » alors que « la nature des faits ou activités pouvant passer pour mettre en péril ces
types d’intérêts en matière de sécurité n’est définie nulle part dans le droit russe » (voir l’arrêt de la CEDH du
4 décembre 2015, n° 47143/06, affaire Roman Zakharov contre Russie, notamment le paragraphe n° 246).