Mais au-delà de ces égards élémentaires, il existe une nécessité de retirer
à la machine le pouvoir de domination qu’elle détient.
De plus en plus l’automaticité se substitue en effet à l’interprétation.
Il n’est pas normal que la cessation de fournitures, de prestations ou
d’allocations, les unes et les autres indispensables à la vie d’un foyer,
interviennent sans autre préalable que l’envoi de lettres recommandées
anonymes que l’intéressé ne se donne plus la peine de retirer à la poste.
Comment peut-il attacher l’importance qui convient à des documents
standardisés édités à la chaîne, où ne figure même pas une signature ?
La réclamation porte parfois sur quelques francs sinon quelques
centimes.
L’ordinateur aveugle et sourd continue infatigablement sa tâche en ajoutant
à chaque réclamation le coût des précédentes et les intérêts. Si des erreurs
sont commises, il ne les corrige qu’après de longs délais qu’il ne tolèrerait pas
de ses correspondants.
L’automatisation procure aux effets de la mise en demeure un caractère
immanent que la justice elle-même possède rarement.
Il est tentant d’employer pour la gestion des hommes des méthodes qui ont
fait leurs preuves pour la gestion des marchandises, mais le respect de l’identité
humaine voulu par la loi impose que des êtres de chair et de sang ne soient pas
considérés comme des abstractions ou des numéros.
Sur le plan des libertés et des institutions, la Commission se doit de faire
remarquer que la discussion parlementaire sur la légalisation des contrôles
d’identité a lieu après qu’elle ait donné son avis sur les titres d’identité
infalsifiables, alors qu’il eut été préférable qu’elle la précède.
Au moment où la police prend possession d’un matériel perfectionné,
incontestablement nécessaire à ses missions, la Commission souhaite qu’il ne
soit pas générateur de procédures nouvelles de contrôle. L’expérience prouve
que lorsqu’un ordinateur existe il faut l’alimenter.
L’inflation du nombre des contraventions en matière de circulation
automobile n’a plus de limites depuis que la constatation et le recouvrement
sont automatiques. La procédure des amendes pénales elle-même laisse ainsi
peu de place au pouvoir d’appréciation du juge.
Les études préalables à la loi considéraient que l’informatique tendrait à
renforcer la centralisation administrative. La Commission constate que les
principales demandes d’avis qui lui ont été présentées traduisent, en effet, une
telle tendance. Les inconvénients de la centralisation ont été trop souvent
décrits pour être à nouveau soulignés. Ce n’est pas le goût de la puissance qui
justifie cette centralisation mais le plus souvent des raisons d’économie. Un
choix est à faire.
En l’état actuel de ses travaux, la Commission voit s’édifier devant elle
une mosaïque. Les pièces en apparaissent une à une sans que l’ensemble
puisse encore se deviner. La Commission sera sans doute plus sensible
qu’elle ne l’a été, à ce phénomène centralisateur, lorsqu’elle progressera
dans la connaissance des systèmes automatisés de l’administration
française.
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