Le 20e anniversaire de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité
Les enjeux de la protection du secret
des correspondances : (bref) bilan
et perspectives
Virginie Peltier
Maître de conférences à l’université Montesquieu-Bordeaux IV
Institut des sciences criminelles et de la justice (EA 4601)
1. Feue la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications vient d’entrer
dans sa troisième décennie d’existence car même si elle n’existe plus
en tant que telle, ses dispositions dispersées dans le Code de procédure
pénale 1 et dans le récent Code de la sécurité intérieure 2 continuent d’en
faire vivre la lettre.
2. Cette loi, adoptée après les condamnations de la France par la
Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts Kruslin et Huvig
en date du 24 avril 1990 3, organisa la procédure des interceptions judiciaires – dont le manque antérieur de clarté comme de prévisibilité avait
été souligné par les juges de Strasbourg – tandis qu’elle introduisit dans
le Code pénal la qualification d’atteinte au secret des correspondances
émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, devenues depuis communications électroniques 4.
En outre, elle coucha également sur le papier les modalités des
interceptions dites de sécurité, plus connues sous le nom d’écoutes administratives puisqu’autorisées et centralisées par le Premier ministre 5.
3. Une vingtaine d’années d’application invite à se tourner vers le
chemin déjà parcouru. De prime abord, le constat est réjouissant puisque
la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’indiquer
que le droit interne présentait toutes les garanties requises 6, à condition
1) Articles 100 et suivants régissant les interceptions judiciaires.
2) Articles L. 241-1 et suivants régissant les interceptions de sécurité.
3) CEDH, 24 avr. 1990, Huvig c/France : série A, n° 176-B ; 24 avr. 1990, Kruslin c/France :
série A ; n° 176-A.
4) L. n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relatives aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle.
5) Respectivement, Code de la sécurité intérieure, art. L. 241-2 et art. L. 242-1, al. 2.
6) « Les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques répondent
aux exigences de l’article 8 de la Convention et à celles des arrêts Kruslin et Huvig » : CEDH,
24 août 1998, Lambert c/France (§38) : n° 23618/94.
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