CNCIS – 20e rapport d’activité 2011-2012

« En ce que, par arrêt en date du 17 septembre 2009, la cour d’assises a rejeté l’exception d’irrecevabilité des poursuites en raison de l’atteinte irréparable portée à la présomption d’innocence de M. X… ;
« aux motifs que, si les propos attribués au garde des Sceaux en
exercice à l’époque des faits et dont s’est fait l’écho la presse nationale
n’ont pas lieu d’être remis en cause, la cour relèvera toutefois que ceuxci doivent être replacés dans un contexte marqué par l’inquiétude de
la population française dans son ensemble ainsi que celle de ses dirigeants ; que, s’ils ont été tenus par un responsable politique important
dont relève directement l’autorité de poursuite, que celui-ci n’a cependant pas concouru de manière directe au déroulement de l’enquête et
de l’instruction et se borne d’ailleurs à imputer à M. X… un rôle central
sans pour autant le préciser et sans lui attribuer de manière définitive
une culpabilité qui reste à démontrer ; qu’en toute hypothèse, de telles
déclarations n’apparaissent pas suffisantes pour porter atteinte à l’impartialité et à l’indépendance des magistrats du siège composant la cour et à
priver de la sorte M. X… des garanties que lui confèrent les dispositions
de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
« 1) alors que les propos publiquement tenus avant tout jugement
par un garde des Sceaux et relayés par l’ensemble de la presse selon lesquels un “individu nommément désigné a manifestement joué un rôle
central dans un ensemble d’attentats commis en France” sont des propos qui attribuent à cet individu une culpabilité certaine relativement à
des faits de nature criminelle en violation de la présomption d’innocence
et qui pèsent, du fait de l’autorité qui s’attache aux fonctions de garde
des Sceaux, irrévocablement sur son jugement ultérieur ;
« 2) alors que la sensibilité de l’opinion publique, loin de justifier
de tels propos, en aggrave la portée au regard du principe intangible de
la présomption d’innocence ;
« 3) alors que la circonstance que le garde des Sceaux dont relève
directement l’autorité de poursuite selon les constatations de l’arrêt
n’ait pas concouru de manière directe au déroulement de l’enquête
ou de l’instruction est sans influence sur l’appréciation de l’atteinte à
la présomption d’innocence dès lors qu’ainsi que la cour européenne
des droits de l’homme l’a constaté dans son arrêt Medvedyev et autres
c/ France du 10 juillet 2008 (no 61) que le procureur de la République n’est
pas en France une “autorité judiciaire” au sens que la jurisprudence de
la cour européenne des droits de l’homme donne à cette notion puisqu’il
lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif
pour pouvoir être ainsi qualifié ;
« 4) alors que le ministère public étant partie intégrante et nécessaire des juridictions répressives, il ne suffit pas pour que l’impartialité
et l’indépendance de la juridiction soient garanties que les magistrats du
siège, compte tenu de leur statut, ne puissent pas personnellement être
suspectés de manque d’impartialité et d’indépendance » ;

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